Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/136

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vue du pavillon de ton maître, afin de le mettre à l’abri des rencontres de ces voyageurs de nuit qui pourraient avoir des consciences moins scrupuleuses que les nôtres, car il n’en manque point aux aguets dans une nuit comme celle-ci. Prends garde cependant, ajouta-t-il avec sévérité, souviens-toi que tu as refusé de nous dire ton nom ; ne cherche pas à découvrir les nôtres, et à savoir qui nous sommes ; car si tu poussais trop loin tes investigations, tu n’en serais plus quitte à si bon marché. »

Gurth remercia le capitaine de sa courtoisie, et lui promit de suivre son avis. Deux des outlaws, armés de leurs bâtons, lui dirent alors de les suivre de près, et ils traversèrent ensemble la forêt, en prenant un petit sentier qui passait dans d’épaisses broussailles et à travers un terrain inégal. Sur la lisière du bois, deux hommes parlèrent à ses guides, et ils en reçurent à l’oreille une réponse qui permit de continuer la marche sans être inquiétés. Cette circonstance fit voir à Gurth que la bande était nombreuse, et qu’elle avait des gardes régulières autour du lieu du rendez-vous.

En arrivant sur la bruyère, Gurth n’aurait pu retrouver son chemin ; mais les voleurs le conduisirent en droite ligne jusqu’au sommet d’un monticule d’où, au clair de la lune, il put voir, s’étendant sous ses regards, les palissades du tournoi, les pavillons aux extrémités, avec les panonceaux qui les ornaient, et sur lesquels le disque argenté de l’astre des nuits réfléchissait de pâles lueurs. Il entendait même le chant par lequel les sentinelles trompaient les heures tardives de leurs factions nocturnes. Ici les deux voleurs s’arrêtèrent. « Nous n’irons pas plus loin avec vous, dirent-ils à Gurth ; il y aurait de notre part imprudence à le tenter. Rappelez-vous l’avertissement que vous avez reçu ; gardez le secret sur ce qui vous est survenu cette nuit, et vous n’aurez pas sujet de vous en repentir ; mais si vous négligiez ce que nous venons de vous recommander, la tour de Londres ne vous protégerait pas contre notre vengeance.

— Bonne nuit, messieurs, dit Gurth, je me rappellerai vos ordres ; mais je crois qu’il n’y a aucun mal à vous souhaiter un plus sûr et plus honnête métier que le vôtre. » À ces mots ils se séparèrent, les outlaws retournant vers le lieu d’où ils étaient venus, et Gurth continuant sa marche vers la tente de son maître, auquel, nonobstant l’injonction qu’il avait reçue, il rendit compte fidèlement de toutes ses aventures nocturnes. Le chevalier déshérité fut rempli d’étonnement, non moins en apprenant la générosité de Rébecca, dont cependant il résolut de ne point profiter, qu’en ayant