Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/185

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« Salut, ma belle ! objet si plein de charmes !
De l’Orient, où je semai l’effroi,
Pour tous trésors je rapporte mes armes,
Et je reviens sur mon vieux palefroi.
Mes éperons et ma lance intrépide,
Pour seul trophée en ce moment c’est là
Ce qui me reste en ma course rapide ;
Mais j’ai l’espoir d’un souris de Tekla.

« Gloire à ma belle ! En de pompeuses fêtes,
Je ne rêvais que sa douce faveur ;
Son nom volait sur l’aile des conquêtes,
Et son prestige allumait ma ferveur.
La harpe d’or, la trompette éclatante,
Rediront : « Gloire à qui charmait nos cœurs !
« Pour ses beaux yeux, prisme de notre attente,
« Champ d’Ascalon, tu nous a vus vainqueurs. »

« Le glaive ardent, qu’animait son sourire,
De cent beautés moissonna les époux ;
À la victoire obligé de souscrire.
Le Soudan tombe, et son trône est à nous.
Pour tes cheveux dont les flottantes ondes
D’un cou d’ivoire effleurent le contour :
Pour tes beaux yeux, amie aux tresses blondes,
Par cent combats j’illustrai mon retour.

« Gloire à ma belle ! Un nom peu mémorable,
Et mes exploits, seront ta noble part.
Ouvre à mes vœux ta porte inexorable :
Je suis mouillé, l’heure est lente, il est tard.
Quoique endurci par les feux d’Idumée,
Je suis glacé, je péris de langueur ;
De qui t’apporte et gloire et renommée
Que l’amour pur fléchisse ta rigueur ! »


Pendant que le chevalier Noir chantait ainsi, l’ermite se démenait comme un critique de profession qui assiste à la représentation d’un opéra nouveau. Penché en arrière sur son escabelle, les yeux à demi fermés, tantôt les mains jointes et faisant jouer ses pouces en les passant l’un par dessus l’autre, il semblait être tout attention ; tantôt il balançait ses bras, en même temps que du pied il marquait la mesure. Lorsque, dans deux ou trois cadences favorites, la voix du chevalier ne s’élevait point aussi haut que le prescrivait l’harmonie, il y joignait la sienne comme pour le soutenir. Enfin, quand la romance fut terminée, le cénobite déclara avec emphase qu’elle était bonne et bien chantée. « Cependant, ajouta-t-il, je pense que mon compatriote saxon avait vécu assez long-temps avec