Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/364

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de te mesurer avec lui corps à corps sur un champ de bataille ; cent fois je te l’ai entendu dire.

— Sans doute ; mais, comme tu le dis fort bien, c’était corps à corps, sur un champ de bataille, que j’aurais voulu le rencontrer. Jamais tu ne m’as entendu exprimer la pensée de l’attaquer seul, dans une forêt.

— Tu n’es pas un vrai chevalier si ce scrupule t’arrête. N’est-ce que dans des batailles que Lancelot du Lac et sir Tristram acquirent tant de renommée ? non : c’est en attaquant des chevaliers gigantesques au fond de forêts sombres et inconnues, qu’ils se sont fait la réputation d’hommes invincibles.

— Oui ; mais je te garantis que ni Lancelot, ni sir Tristram ; n’auraient été de force à se mesurer corps à corps avec Richard Plantagenet ; et je crois qu’ils n’étaient pas dans l’habitude de se mettre plusieurs contre un.

— Tu déraisonnes, de Bracy. Qu’est-ce que nous te proposons que tu ne doives et ne puisses faire, toi, capitaine d’une compagnie franche à la solde du prince Jean ? Tu connais notre ennemi, et tu as des scrupules, lorsqu’il y va de la fortune de ton maître, de celle de ton camarade, de la tienne ; en un mot, de la vie et de l’honneur de tous tant que nous sommes ?

— Je te dis qu’il n’a fait grâce de la vie, » répliqua de Bracy d’un ton déterminé. « Il est vrai qu’il m’a ordonné de m’éloigner de sa présence et qu’il a refusé mes services : sous ce rapport je ne lui dois ni foi ni hommage ; mais jamais je ne lèverai la main contre lui.

— Cela n’est pas nécessaire ; envoyez seulement Winkelbrand accompagné d’une vingtaine de vos lanciers.

— Vous trouverez aisément des assassins parmi vos soldats ; aucun des miens ne participera à une pareille expédition.

— Es-tu donc si obstiné, de Bracy ? dit le prince Jean, et veux-tu m’abandonner, après tant de protestations de dévoûment et de zèle pour ma personne et mon service ?

— Loin de moi une telle pensée, prince ; je vous rendrais tous les services qui s’accordent avec l’honneur d’un chevalier, soit dans les tournois, soit dans les camps ; mais ces expéditions de grand chemin ne font point partie de mes devoirs.

— Approche, Waldemar, dit Jean : est-il un prince plus infortuné que moi ? Mon père, le roi Henri, avait des serviteurs fidèles. Il lui suffit de se plaindre des ennuis que lui causait un prêtre fac-