Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/379

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père en avoir ma part, lorsque nous ferons ensemble, en véritables frères, une partie de plaisir, dans laquelle nous n’oublierons sans doute pas la bouteille. En effet, le texte ne dit-il pas : Vinum lœtificat cor hominis ; et ailleurs : Rex delectabitur pulchritudine sua[1] ; Adieu jusqu’à ce joyeux moment.

« Écrit dans le repaire des bandits, vers l’heure des matines.

Aymer,
« Prieur de Sainte-Marie-de-Jorvaulx. »

« Post-scriptum, Ta chaîne d’or n’est pas restée long-temps en ma possession. Elle servira maintenant à suspendre au cou d’un outlaw-braconnier le sifflet avec lequel il appelle ses chiens, autrement dits ses camarades. »

« Eh bien ! Conrad, dit le grand-maître, qu’en dis-tu ? Un repaire de bandits ! c’est une résidence très convenable pour un pareil prieur. Il ne faut plus s’étonner si la main de Dieu s’appesantit sur nous, et si dans la Terre-Sainte les infidèles nous enlèvent l’une après l’autre nos villes fortifiées, et nous font perdre le terrain pied à pied, quand nous avons des ecclésiastiques tels que cet Aymer,… Mais que veut-il dire par cette nouvelle sorcière d’Endor ? » dit-il à demi-voix à son confident.

Conrad connaissait mieux que son supérieur, peut-être grâce à la pratique, le jargon de la galanterie. Il lui répondit que le passage qui l’embarrassait était une sorte de langage usité parmi les hommes du monde, à l’égard des femmes qu’ils aimaient par amour. Mais cette explication ne satisfit pas l’austère Beaumanoir.

« Conrad, dit-il, ce langage signifie plus que tu ne te l’imagines ; dans la simplicité de ton cœur, tu ne saurais sonder la profondeur de cet abîme d’iniquités. Cette Rébecca, la fille de ce juif d’York, est une élève de cette Miriam dont tu as entendu parler. Tu vas voir que le juif ne tardera pas à en convenir lui-même. » Se tournant aussitôt vers Isaac, il lui dit à haute voix : « Ta fille est donc prisonnière de Bois-Guilbert ?

— Oui, révérend et valeureux seigneur, répondit Isaac ; et tout ce qu’un homme pauvre peut offrir pour sa rançon…

— Borne-toi à me répondre… Ta fille n’a-t-elle pas exercé l’art de guérir ?

— Oui, gracieux seigneur ; chevaliers et paysans, seigneurs et vassaux, peuvent tous bénir le ciel pour le don merveilleux qu’il a daigné lui accorder. Plus d’un malade, plus d’un blessé attesterait

  1. Le vin réjouit le cœur de l’homme. — Le roi sera ravi de sa beauté. a. m.