Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/388

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Les âmes des douze tribus fussent-elles toutes renfermées dans son seul corps, il vaut mieux qu’elle périsse seule, que d’entraîner Bois-Guilbert dans sa ruine.

— Je viens à l’instant même, dit Malvoisin, de faire tous mes efforts pour l’engager à l’abandonner. Mais encore faut-il des motifs suffisants pour condamner Rébecca comme sorcière, et peut-être le grand-maître changera-t-il d’avis lorsqu’il verra que les preuves sont si faibles.

— Il faut les corroborer, Albert, dit Conrad ; il faut les corroborer : me comprends-tu bien ?

— Parfaitement, et je suis disposé à tout entreprendre pour l’intérêt de l’ordre ; mais le délai est bien court pour trouver des instruments convenables.

— Il faut en trouver, Malvoisin ; il le faut pour l’avantage de l’ordre et pour le tien. La préceptorerie de Templestowe est peu de chose ; celle de Maison-Dieu vaut le double ; tu connais mon crédit auprès de notre vieux chef ; trouve des gens qui puissent conduire cette affaire à bien, et te voilà précepteur de Maison-Dieu, dans le fertile comté de Kent. Qu’en dis-tu ?

— Parmi les hommes d’armes qui sont venus ici avec Bois-Guilbert, il y en a deux que je connais de longue main. Ils étaient au service de mon frère, Philippe de Malvoisin, d’où ils ont passé à celui de Front-de-Bœuf. Il est possible qu’ils sachent quelque chose des sorcelleries de cette fille.

— Va promptement les chercher… Mais, un instant, écoute : s’il faut un besant ou deux pour leur rafraîchir la mémoire, n’en sois pas avare.

— Pour un sequin, ils jureraient que la mère qui les a enfantés était une sorcière.

— Va donc les trouver ; car à midi le procès sera entamé. Je n’ai jamais vu notre vieux chef déployer une telle ardeur, depuis le jour où il condamna au feu Hamet Alfagi, qui, après s’être converti, avait de nouveau embrassé la religion de Mahomet. »

La grosse cloche du château venait de sonner midi, quand Rébecca entendit que l’on montait l’escalier dérobé qui conduisait à la chambre dans laquelle on la tenait enfermée. Le bruit des pas annonçait l’arrivée de plusieurs personnes, et cette circonstance lui fit plaisir, car, de tous les maux qui pouvaient fondre sur elle, ce qu’elle redoutait le plus, c’étaient les visites solitaires du fougueux Bois-Guilbert. La porte de la chambre s’ouvrit, et elle vit entrer