Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/451

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aux temps de l’heptarchie. On montre dans le voisinage du château un monticule qui passe pour être le tombeau du célèbre Hengist. D’autres monuments d’une antiquité très reculée, et tous dignes d’être vus, existent dans le cimetière voisin.

Quand Richard Cœur-de-Lion et sa suite approchèrent de cet édifice, d’une architecture grossière mais imposante, il n’était pas entouré des fortifications extérieures dont nous avons parlé plus haut ; l’architecte saxon avait employé tout son art dans la combinaison des moyens de défense de la tour principale ; le reste des fortifications ne consistait qu’en une grossière palissade.

Une immense bannière noire, qui flottait au sommet de cette tour, annonçait que les obsèques de son dernier maître n’étaient pas encore célébrées : elle ne portait aucun emblème indiquant la qualité ni le rang du défunt ; car les armoiries étaient encore très nouvelles parmi les chevaliers normands, et tout-à-fait inconnues aux Saxons ; mais, au dessus de la grille, une bannière qui portait la figure grossièrement peinte d’un cheval blanc, symbole bien connu de Hengist et de ses guerriers, indiquait la nation et le rang du défunt. Les alentours du château offraient une scène animée, car, à cette époque d’hospitalité, non seulement toute la famille, mais encore le premier passant, avait droit à s’asseoir aux banquets funéraires. Les richesses et le rang d’Athelstane avaient fait observer rigoureusement cette coutume.

On voyait donc des troupes nombreuses monter et descendre la colline sur laquelle le château était situé ; et lorsque le roi et sa suite eurent pénétré au delà des barrières, ouvertes et sans gardes, ils furent témoins d’une scène qui ne se conciliait guère avec la cause qui avait réuni un si grand concours de monde : d’un côté, des cuisiniers étaient occupés à faire rôtir des moutons et des bœufs tout entiers ; de l’autre, des muids d’ale étaient mis à la disposition de tout survenant : des groupes de gens de toute espèce dévoraient les viandes et avalaient la boisson ainsi mise à leur disposition. Le serf saxon, à demi nu, oubliait que pendant la moitié de l’année il avait eu faim et soif, en s’abandonnant à l’intempérance et à la voracité ; le bourgeois, dont l’appétit était moins aiguisé, choisissait le morceau qui lui paraissait le plus délicat, et louait ou blâmait celui qui avait brassé la liqueur dont il l’arrosait. On voyait aussi un petit groupe de quelques pauvres nobles normands : ils étaient facilement reconnaissables à leur menton ras et à leurs casaques écourtées, autant qu’à l’affectation qu’ils mettaient à se tenir en-