Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/467

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fatale qui devait décider de la vie ou de la mort de Rébecca venait de sonner ; la foule se précipitait vers le clos de Saint-George. On eût dit que les campagnes environnantes étaient demeurées désertes, et que leurs habitants s’étaient rendus à quelque fête de village ou à quelque repas champêtre. Au surplus, le plaisir barbare que le commun des hommes prend à toutes les scènes terribles et sanglantes n’est pas un caractère particulier aux siècles d’ignorance et de barbarie. Si dans les combats de gladiateurs, dans les duels, dans les tournois, on prenait plaisir à voir les combattants renversés les uns par les autres, de nos jours encore, où la civilisation est plus répandue et les lois de l’humanité mieux comprises, l’exécution d’un criminel, un assaut entre deux boxeurs, un tumulte, une assemblée de réformateurs radicaux, attirent, non sans leur faire courir souvent quelque danger, une foule immense de spectateurs qui n’ont absolument d’autre intérêt dans l’événement que celui de savoir comment la chose se passera, et si les héros du jour seront, comme le disent les tailleurs dans leurs insurrections, des hommes de cœur ou des tas de fumier.

Les regards de cette immense multitude assemblée étaient dirigés sur la porte de la commanderie de Templestowe, afin d’en voir sortir la procession, tandis qu’une foule encore plus nombreuse remplissait déjà les alentours de la lice, disposée sur un terrain soigneusement nivelé et servant aux exercices militaires des templiers. Ce terrain, qui formait une sorte d’amphithéâtre, était entouré de palissades ; et comme les chevaliers étaient bien aises d’avoir des spectateurs, même de leurs combats simulés, ils y avaient fait construire des galeries et des banquettes pour la commodité du public.

Dans la circonstance actuelle, on avait élevé à l’extrémité orientale un trône destiné au grand-maître, et à l’entour étaient placés des sièges pour les commandeurs et les chevaliers de l’ordre. Au dessus du trône flottait le Baucéan, étendard sacré de l’ordre, comme son nom en était le cri de ralliement.

À l’autre extrémité s’élevait un amas de fagots, entourant un poteau profondément enfoncé en terre : un espace suffisant pour pouvoir entrer dans le cercle fatal était laissé à la victime vouée au supplice. À côté de cet appareil de mort se tenaient debout quatre esclaves, dont la couleur cuivrée et les traits africains, alors peu connus en Angleterre, frappaient de terreur la populace, qui les regardait comme des esprits infernaux occupés de leurs fonctions. Ces quatre hommes ne sortaient de leur immobilité que lorsque ce-