Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/48

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tion aussi à la manière dont vous regarderez la belle Rowena, qu’il veille avec le soin le plus jaloux ; et s’il prenait la moindre alarme de ce côté, nous sommes perdus. On dit qu’il a banni du sein de sa famille son propre fils pour avoir levé les yeux d’une manière affectueuse sur cette beauté, qu’on peut, dit-on, adorer de loin, mais qu’il ne faut pas aborder avec d’autres pensées que celles dont nous sommes pleins devant l’image de la sainte Vierge.

— À merveille, vous en avez dit assez, répondit le templier, je veux, tout une soirée, me tenir sur la réserve, et paraître aussi modeste qu’une jeune fille ; mais pour la crainte dont vous êtes rempli, que Cedric ne nous renvoie avec violence, elle est vaine, croyez-moi ; mes écuyers et moi-même, avec Hamet et Abdalla, nous vous épargnerons cette disgrâce. Ne doutez pas que nous ne soyons assez forts pour nous maintenir dans nos quartiers.

— N’amenons pas les choses à ce point, répondit le prieur ; mais, voici la croix renversée, et la nuit est si noire que nous pouvons à peine distinguer les chemins à suivre. On nous a dit, je crois, de tourner à gauche.

— Non, c’est à droite, dit Brian, ma mémoire est fidèle.

— C’est à la gauche, bien certainement ; je me rappelle qu’il nous montra la route avec le bout de son sabre de bois.

— Oui, mais il le tenait de la main gauche, et il en dirigea la pointe à droite, » reprit le templier.

Chacun maintenant soutenait son opinion avec un égal entêtement, comme il est d’usage en pareil cas ; les gens de la suite furent consultés, mais ils n’avaient pas été assez près de Wamba pour l’entendre. À la fin, Brian remarqua ce qui d’abord ne l’avait point frappé dans le crépuscule : « Voici quelqu’un d’endormi ou d’étendu mort, peut-être, au pied de cette croix, dit-il. Hugo, secoue-le donc avec le bout de ta lance. » Hugo n’eut pas plus tôt exécuté l’ordre de son maître, que la figure se dressa en s’écriant en bon français : « Qui que tu sois, comment peux-tu être assez discourtois pour venir troubler mes pensées ?

— Nous désirions seulement vous demander, dit le prieur, la route qui mène à Rotherwood, habitation de Cedric le Saxon.

— J’y vais moi-même, répondit l’étranger, et si j’avais un bon cheval je serais votre guide, car le chemin n’est pas aisé à suivre quoiqu’il me soit parfaitement bien connu.

— Vous obtiendrez tout à la fois nos remercîments et une honnête récompense, mon ami, repartit le prieur, si vous voulez nous