Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/72

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la faute de mon cheval occasionnèrent ma chute : c’était le chevalier d’Ivanhoe[1] ; et nul entre les six n’acquit plus de gloire pour son âge. Cependant je dirai hautement que, s’il était en Angleterre et qu’il osât renouveler dans le tournoi de cette semaine le cartel de Saint-Jean-d’Acre, monté et armé comme je le suis maintenant, je lui donnerais le choix des armes et me moquerais de l’issue du combat.

— Si votre antagoniste était ici, reprit le pèlerin, il accepterait aussitôt le défi. Mais ne troublons point la paix de ces voûtes par des fanfaronnades qui, vous le savez bien, ne sauraient être mises à l’épreuve. Si jamais Ivanhoe revient de la Palestine, je me rends sa caution, et je suis sûr qu’il vous joindra.

— Bonne caution que la vôtre, dit le chevalier du Temple ; quel gage en donnerez-vous ?

— Ce reliquaire, dit le pèlerin en tirant de son sein, après s’être signé, une petite boîte d’ivoire contenant un morceau de la vraie croix, et que j’ai rapportée du monastère du mont Carmel. »

Le prieur de Jorvaulx se signa et répéta un Pater noster, auquel tout le monde se joignit dévotement, excepté le Juif, les musulmans et le templier, lequel, sans ôter sa toque ou témoigner aucun respect pour la sainteté alléguée de la relique, détacha de son cou une chaîne d’or, qu’il jeta sur la table en disant ; « Que le prieur Aymer garde ce gage et celui de ce vagabond inconnu, comme une promesse que, quand le chevalier d’Ivanhoe reviendra au milieu des quatre mers de la Grande-Bretagne, il relèvera le gant que lui jette Brian de Bois-Guilbert, lequel, dans le cas contraire le proclamera lâche et félon dans toutes les commanderies du Temple en Europe.

— Il ne sera pas nécessaire, dit Rowena, rompant le silence ; ma voix sera entendue, si aucune autre ne s’élève ici en faveur d’Ivanhoe absent. J’affirme qu’il acceptera avec joie tout cartel honorable ; et si ma faible garantie pouvait ajouter à l’inappréciable gage de ce pèlerin sacré, je répondrais sur ma tête et sur mon honneur qu’Ivanhoe donnera à ce fier chevalier toute la satisfaction que celui-ci pourra désirer. »

Une multitude d’émotions opposées semblaient avoir absorbé l’âme de Cedric, et le tinrent silencieux durant cette discussion.

  1. Les Anglais donnent à ce nom d’Ivanohe la prononciation d’Aïvanhô ; quelques Écossais celle d’Ivenho ; et les Français, en général, celle d’Ivanhoé, quoiqu’il fût peut-être plus naturel de prononcer Ivanhô. a. m.