Aller au contenu

Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 12, 1838.djvu/79

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

teur dans ce taudis, dont tout l’ameublement consistait en une grossière escabelle de bois, et en une sorte de lit fait en planches plus grossières encore, rempli de paille fraîche, sur laquelle s’étendaient deux ou trois peaux de mouton en guise de couvertures. Et ayant éteint sa torche, le pèlerin se jeta tout habillé sur le grabat, et dormit, ou du moins resta couché jusqu’à ce que les premières lueurs de l’aube eussent trouvé un passage à travers la petite fenêtre grillée qui servait à la fois d’entrée à l’air et à la clarté dans cette cellule misérable. Alors il se leva, fit sa prière du matin, et, rajustant son habillement, il s’en fut vers le chenil du juif Isaac, en levant le loquet aussi doucement qu’il put.

L’Israélite était livré à un sommeil très agité sur une couche pareille à celle où le pèlerin avait passé la nuit. La portion des vêtements que le Juif avait quittés la veille, était disposée soigneusement autour de sa personne, comme pour empêcher qu’ils ne lui fussent dérobés durant le sommeil. Un trouble manifeste était peint sur son front, et ressemblait presque à une agonie. Ses bras se mouvaient d’une manière convulsive, comme pour lutter contre le cauchemar, et des exclamations en hébreu ou dans la langue moderne, mêlée d’anglais et de normand, s’élevaient par intervalles, par exemple, celles-ci : « Pour l’amour du dieu d’Abraham, épargnez un malheureux vieillard ! je suis pauvre, je n’ai pas un penny ; dussiez-vous avec des fers me déchirer les membres, je ne pourrais vous rien donner ! »»

Le pèlerin n’attendit pas la fin de la vision du Juif, il le poussa avec son bâton. Ce contact soudain probablement s’unit aux craintes excitées par le songe, car le vieillard tressaillit aussitôt, ses cheveux gris se dressèrent sur sa tête, et sautant sur ses vêtements et les serrant dans ses mains comme un faucon serre étroitement sa proie, il attacha sur le pèlerin ses yeux noirs et perçants, avec une expression de sauvage surprise et de crainte inexprimable. « Ne craignez rien, Isaac, dit le pèlerin, je viens vers vous en ami.

— Que le Dieu d’Israël vous bénisse, dit le Juif, grandement soulagé, je rêvais, mais le père Abraham soit loué, ce n’était qu’un rêve ; et, ajouta-t-il avec son ton habituel, de quoi votre bon plaisir peut-il avoir à s’occuper avec un pauvre juif et à une heure si matinale ?

— C’est pour vous dire que si vous ne quittez pas sur-le-champ cette maison, et ne marchez avec célérité, votre voyage ne sera pas sans péril.