L’office du soir était terminé dans l’église du monastère de Sainte-Marie. L’abbé avait quitté ses magnifiques habits de cérémonie, et repris son costume ordinaire : c’était une robe noire sur une soutane blanche, avec un étroit scapulaire : costume vénérable, très-propre à faire ressortir avantageusement la belle taille et la noble figure de l’abbé Boniface.
En des temps paisibles, personne n’eût pu remplir la place d’abbé mitre (car tel était son titre), plus convenablement que ce digne prêtre. Il avait sans doute plusieurs de ces défauts qui tiennent de l’égoïsme, et que contractent assez ordinairement ceux qui ne vivent que pour eux-mêmes. Outre cela, il était vain, et lorsqu’on lui résistait hardiment, il laissait voir des symptômes de faiblesse qui ne s’accordaient guère avec les superbes prétentions d’un haut dignitaire de l’Église, ni avec la déférence scrupuleuse qu’il exigeait de tous ceux qui étaient placés sous ses ordres ; mais il était hospitalier, charitable et nullement porté à user de sévérité envers qui que ce fût. Nous le répétons, en d’autres temps il aurait fourni sa carrière aussi bien que tout autre abbé revêtu de la pourpre, menant une vie facile, mais convenable à son rang ; dormant bien, et ne faisant jamais de mauvais rêves.
Mais les vives alarmes répandues dans toute l’Église romaine par les progrès des doctrines réformées troublèrent cruellement le repos de l’abbé Boniface, et ouvrirent devant lui un vaste