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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/118

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tillerie où les hommes présomptueux et téméraires trouvent des armes pour combattre les opinions et les explications de la sainte Église sur le texte sacré. Mais quoique l’on en fasse un usage imprudent, toujours est-il certain que l’Écriture est la source de notre salut ; et il ne faut pas plus en regarder la lecture comme dangereuse, parce que ces hommes imprudents ont voulu la rendre trop facile par la traduction, qu’il ne faut regarder comme mortelle une médecine violente, parce que des médecins inhabiles en ont fait usage au préjudice de la santé de leurs malades. Avec la permission de Votre Révérence, je voudrais que cette affaire fût examinée d’une manière plus particulière. J’irai moi-même à la tour de Glendearg avant que peu d’heures se soient écoulées, et nous verrons si quelques spectres ou femme Blanche du désert voudra interrompre mon voyage ou mon retour. Votre Révérence veut-elle bien m’accorder sa permission et sa bénédiction ? » ajouta-t-il d’un ton qui semblait indiquer qu’il n’ajoutait un grand prix ni à l’une ni à l’autre.

« Tu as l’une et l’autre, mon frère, » dit l’abbé. Mais Eustache n’eut pas plutôt quitté l’appartement, que Boniface ne put s’empêcher d’exprimer au sacristain, qui n’était pas fâché de l’entendre, son désir sincère qu’un esprit noir, blanc et gris, donnât au sous-prieur une leçon propre à le guérir de la manie de se croire plus sage à lui seul que la communauté entière.

« Je ne lui en souhaite pas davantage, dit le sacristain, que de nager gaiement dans le fleuve avec un esprit derrière lui, au milieu des oiseaux de nuit et des anguilles vaseuses du Kelpy, attendant le moment d’en faire leur proie :

« Nageons gaiement, car la lune est brillante,
« Et ses rayons dansent au sein des flots. »

— Frère Philippe, dit l’abbé, nous t’exhortons à réciter tes prières ; calme-toi, et bannis de ton esprit cette folle musique, ce n’est qu’une illusion du démon.

— J’essaierai, mon révérend père, mais l’air de cette chanson me tient à la mémoire comme un grateron aux habits d’un mendiant. Il se mêle au chant du psautier ; les cloches même du couvent semblent répéter les paroles et en carillonner les notes ; et si vous me mettiez à mort à cette heure, je crois réellement que je le répéterais en expirant… Allons, nageons gaiement ! C’est véritablement un sort jeté sur moi. »