Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/18

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parfaitement accueillis, parce que le satirique Nivell a quelque absurdité fashionable bien connue, ou, suivant la phrase dramatique, tire la folie tandis qu’elle vole. Mais lorsque l’espèce particulière de folie ne peut plus tenir son aile, le ridicule la frappe, et elle cesse d’exister ; les pièces dans lesquelles de pareilles absurdités deviennent le sujet du ridicule tombent tout-à-fait dans l’oubli avec les folies qui leur ont donné cours, ou continuent seulement à demeurer sur la scène, parce qu’elles contiennent quelque intérêt permanent autre que celui qui les liait aux coutumes et folies d’une espèce temporaire.

C’est peut-être là ce qui a décidé du sort des comédies de Ben Jonhson, établies d’après ce système, ou sur ce que le siècle appelait les pointes, système d’après lequel des caractères factices et affectés influaient sur celui qui était commun au reste de leur race ; ces comédies, en dépit d’une mordante satire, d’une profonde étude et d’un grand sens, ne causent plus maintenant de plaisir général, mais sont reléguées dans le coffre de l’antiquaire, dont les études lui ont assuré que les personnages du drame existèrent jadis, bien qu’aujourd’hui on n’en voie plus de trace.

Prenons un autre exemple de notre hypothèse dans Shakspeare lui-même, celui de tous les auteurs qui prit ses portraits dans tous les âges. Malgré toute la somme d’idolâtrie qui nous affecte à son nom, la masse des lecteurs parcourt sans amusement les caractères formés sur les extravagances de la mode changeante ; et l’euphuiste Don Armado, le pédant Olopherne, et même Nym et Pistol, sont lus avec peu de plaisir par la masse du public, ces portraits étant de ceux dont nous ne pouvons plus reconnaître le caractère, parce que les originaux n’existent plus. De la même manière, tandis que la détresse de Roméo et Juliette continue à intéresser tous les cœurs, Mercutio, offert comme une exacte représentation du parfait gentleman du temps, et comme tel reçu par l’unanime approbation des contemporains, excite si peu d’intérêt dans le siècle actuel, que, dépouillé de toutes ses pointes, de toutes ses subtilités d’esprit, il tient seulement sa place sur la scène en vertu de son beau et brillant discours sur les songes, qui n’appartient à aucun siècle particulier, et parce qu’il est un personnage dont la présence est indispensable au complot.

Nous avons déjà poussé trop loin peut-être un argument dont la tendance est de prouver que la présence d’un jovial et actif personnage comme sir-Piercie Shafton, comme modèle oublié ou