Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/269

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atteint la fameuse fontaine. Sur ses bords et en face du grand rocher d’où elle jaillissait, était un amphithéâtre uni et couvert de gazon, qui paraissait étroit au milieu de l’immense hauteur des rocs escarpés qui l’entouraient de toutes parts, excepte du côté où coulait le ruisseau, mais assez large cependant pour le combat.

Lorsqu’ils furent parvenus dans cet endroit propice par sa position triste et solitaire à un combat à outrance, ils furent tous deux fort surpris de voir qu’au pied du roc était creusée une fosse d’une régularité singulière ; le gazon était placé sur l’un des côtés, et la terre jetée de l’autre en un tas. Une pioche et une bêche étaient déposées sur le bord de la fosse.

Sir Piercy Shafton lança sur Halbert Glendinning un regard où se peignait un sérieux qui ne lui était point habituel, et lui dit avec sévérité : » Est-ce une trahison ? jeune homme ; et aviez-vous dessein de m’attirer ici dans une emboscata, ou dans un guet-apens ?

— Non, de par le ciel ! répondit Halbert ; je n’ai parlé de notre projet à personne, et ne voudrais pas pour le trône d’Écosse avoir le moindre avantage contre un homme seul.

— Je te crois, mon Audace, » dit le chevalier, reprenant le ton affecté qui était chez lui une seconde nature ; « néanmoins cette fosse est taillée d’une manière curieuse, et c’est peut-être le chef-d’œuvre du faiseur du dernier lit de l’homme, ce qui veut dire le fossoyeur. C’est pourquoi remercions le hasard ou l’ami inconnu qui a ainsi pourvu l’un de nous des honneurs de la sépulture ; al " Ions, décidons vite qui sera assez heureux pour jouir dans cet endroit d’un sommeil paisible. »

Il dit et se dépouilla de son manteau et de son justaucorps, qu’il plia avec grand soin, et déposa sur une large pierre, tandis qu’Halbert Glendinning, non sans une certaine émotion, suivait son exemple. Le voisinage du séjour favori de la Dame Blanche lui inspira des soupçons concernant l’incident de la fosse. « C’est sans doute son ouvrage ! » se dit-il en lui-même : « l’esprit a prévu le fatal résultat du combat et a pourvu à ses suites. Je dois sortir de ce lieu homicide ou y demeurer à jamais ! »

Le pont était coupé derrière lui, et la chance de se tirer d’affaire honorablement sans être tué et sans tuer son adversaire, espoir qui soutient le cœur défaillant de beaucoup de duellistes, lui était désormais enlevée. Cependant, après avoir un peu réfléchi, l’horreur de sa situation lui rendit la fermeté et le courage en lui présentant la seule alternative de vaincre ou de mourir.