Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/277

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— Et en quoi, mon fils, une si frêle créature que moi peut-elle vous servir ? » répondit le vieillard étonné d’être accosté par un si beau jeune homme dont les traits étaient décomposés par l’anxiété, la figure enflammée par le mouvement qu’il venait de se donner, les mains et plusieurs parties de son vêtement tachées de sang.

« Un homme frappé mortellement est gisant dans la vallée, près d’ici. Venez avec moi, venez avec moi ! Vous n’êtes plus jeune, vous avez de l’expérience, vous jouissez au moins de tous vos sens, je suis presque abandonné des miens.

— Un homme blessé à mort est ici dans ce lieu désert ? s’écria l’étranger.

— Ne vous arrêtez pas à me questionner, mon père, répondit le jeune homme, mais venez promptement à son secours. Suivez-moi, suivez-moi, sans perdre un seul moment.

— Mais, mon fils, répliqua le vieillard, nous ne devons pas suivre si légèrement les guides qui se présentent d’une manière si inattendue au milieu d’un horrible désert. Avant de te suivre, je dois apprendre de toi ton nom, ton projet et la cause…

— Je n’ai pas le temps d’expliquer tout cela, dit Halbert ; je te dis seulement qu’il est question de la vie d’un homme et tu dois m’aider à le secourir ou je t’entraînerai de vive force !

— Tu n’auras pas besoin de cela, dit le voyageur ; si c’est vraiment comme tu l’annonces, je te suivrai de bon cœur d’autant plus que je ne suis pas tout à fait ignorant dans l’art de la médecine, et que je porte dans ma valise ce qui pourra être nécessaire à ton ami. Cependant marche plus lentement, je t’en prie, car déjà je suis harassé de fatigue. »

Avec l’impatience comprimée d’un superbe coursier forcé par son cavalier de marcher au pas sur le grand chemin, Halbert accompagna le voyageur, accablé d’une inquiétude qu’il s’efforçait de cacher afin de ne pas effrayer son compagnon qui évidemment craignait de se fier à lui. Lorsqu’ils furent parvenus au lieu où ils devaient se détourner de la large vallée pour entrer dans le Corrie, le voyageur fit une pause, comme s’il n’eût pas voulu quitter la grande route. « Jeune homme, dit-il, si tu as de mauvaises intentions contre ces cheveux gris, ta cruauté gagnera peu de chose, je n’ai point de vains trésors qui puissent tenter le voleur ou l’assassin.

— Et moi, dit le jeune homme, je ne suis ni l’un ni l’autre, et cependant, Dieu du ciel ! je puis être un homicide, à moins que