Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/284

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pièces d’or à la toque[1].

— Tu ne veux pas dire pourtant que, par un vil intérêt, il vendrait le sang de son hôte ?

— Non ; si tu arrives comme un étranger invité, et comptant sur sa bonne foi, quelque méchant que puisse être Julien, il n’oserait violer les droits de l’hospitalité ; car, quoique nous tenions peu aux autres liens, ceux-là sont respectés parmi nous jusqu’à l’idolâtrie, et ses plus proches parents penseraient qu’ils devraient eux-mêmes répandre son sang pour faire disparaître la tache dont une telle trahison souillerait leur nom et leurs descendants. Mais si tu y vas sans une permission de sa part et sans l’assurance de ta sûreté, je t’avoue que tu cours un grand risque.

— Je suis sous la garde de Dieu, répondit l’apôtre protestant ; c’est à sa demande que je traverse ces déserts au milieu des dangers de toutes les espèces. Tant que je serai utile au service de mon maître, ils ne pourront rien faire contre moi ; et lorsque, semblable au figuier stérile, je ne pourrai plus produire de fruits, que m’importera quand et par qui ma racine sera coupée ?

— Votre courage et votre dévotion, dit Glendinning, mériteraient de servir une plus digne cause.

— Il ne s’en peut trouver de plus digne, répondit Warden ; la mienne est la meilleure. »

Ils poursuivirent leur chemin en silence, Halbert Glendinning suivant avec soin les sinuosités de la route à travers les marais et les montagnes qui séparaient l’abbaye de la baronnie d’Avenel. Quelquefois il était obligé de s’arrêter pour aider son compagnon à passer les sombres lacunes des mouvantes fondrières nommées dans le dialecte écossais hags, dont la partie la plus desséchée du marais était remplie.

— Courage, vieillard ! » dit Halbert, s’apercevant que son compagnon était accablé de fatigue ; « nous parviendrons bientôt sur la terre ferme, et cependant, quoique ce gazon soit très-mobile,

  1. Bonnets-pieces. C’était une monnaie d’or de Jacques V, la plus belle des monnaies d’Écosse, et ainsi nommée parce que l’effigie du prince y était représentée avec une toque. Le roi Jacques V, abandonné par quelques nobles écossais au moment de livrer bataille à l’armée anglaise, en mourut de honte et de chagrin (1512), en prévoyant les scènes de désolation que devait entraîner une invasion anglaise en Écosse. Quelques jours avant sa mort, on vint lui annoncer que la reine était accouchée heureusement. « Est-ce d’un garçon ou d’une fille ? — D’une fille, répondit-on. — Que de maux vont accabler ce pauvre royaume ! » répliqua le mourant : paroles qui semblent avoir fourni à Walter Scott le sujet d’une grande partie des tableaux du Monastère. Le portrait placé en tête de ce roman est d’une grande fidélité historique. On y retrouve la toque de la monnaie d’or, et dans les ornements le chardon, emblème de l’Écosse. On peut aussi en comparer le costume avec celui que le romancier a donné à lord Murray, bâtard de Jacques V, chap. xxxv.a. m.