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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/288

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habitants. Mais aucun champ, aucune prairie ne montrait sur les bords du lac cette attention prévoyante pour l’agrément et la subsistance, qui ordinairement se trouvent près du séjour des grands et même des barons d’un rang inférieur. Aucune chaumière avec sa pièce de terre, son petit clos et son jardin entouré d’une rangée de sombres sycomores ne frappait les yeux du voyageur ; on ne voyait dans la vallée ni une église avec son clocher rustique, ni sur les montagnes des troupeaux de moutons, ni des bestiaux dans la prairie ; rien enfin qui indiquât la moindre trace des arts, de la paix et de l’industrie, ne s’offrait à la vue dans ces lieux. Il était évident que les habitants, nombreux ou non, devaient être considérés comme faisant partie de la garnison du château, vivant dans ses remparts, et par des moyens qui n’étaient rien moins que pacifiques.

Probablement le vieillard était persuadé de cette vérité, car il se dit à lui-même en regardant le château : Lapis offensionis et petra scandali[1] ; et se tournant vers Halbert Glendinning, il ajouta : « Nous pouvons dire de ce fort ce que le roi Jacques a dit en parlant d’un autre château de cette province : » Celui qui l’éleva était un bandit au fond de l’âme. »

— Mais il n’en fut pas ainsi, répondit Glendinning ; ce château a été bâti par les anciens seigneurs d’Avenel, hommes qui étaient autant aimés en temps de paix que respectés en temps de guerre. Ils étaient les défenseurs des frontières contre l’étranger, et les protecteurs des habitants contre l’oppression domestique. L’usurpateur actuel de leur héritage ne leur ressemble pas plus que le hibou ne ressemble au faucon, quoique tous deux aient leur nid dans le même roc.

— Ce Julien Avenel a une bien petite place dans l’estime et dans l’amitié de ses voisins, dit Warden.

— Il en a si peu, répondit Halbert, qu’excepté ses soldats et les jacks avec lesquels il est associé et dont il peut disposer, je ne connais pas un homme qui voulût vivre auprès de lui. Il a été plus d’une fois proscrit en Angleterre et en Écosse, ses terres ont été confisquées et sa tête mise à prix. Mais dans ces temps de discorde, un homme aussi téméraire que Julien Avenel rencontre toujours quelques amis qui veulent bien le protéger contre les peines prononcées par la loi, à condition qu’il leur prêtera secrètement son aide.

  1. Pierre d’offense et roche de scandale. a. m.