Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/298

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— Ah ! mon ami, veuille bien me comprendre, dit le baron : si tu es satisfait de la robe de serge et de ton long bâton, je suis également content de te voir, selon tes désirs, livré à la pauvreté et au mépris ; en cela, je ne suis animé que par l’intérêt que je porte à ta santé et au salut de ton âme. Tout ce que je désire savoir de toi, c’est le motif qui t’amène dans mon château, où viennent nicher peu de corbeaux de ton espèce. Tu es, je pense, quelque moine, rebut d’un couvent supprimé, expiant dans ses vieux jours la paresse luxurieuse de sa jeunesse. Ou peut-être es-tu quelque pèlerin portant dans ta besace le paquet des contes de Saint-Jean de Compostelle, ou de Notre-Dame de Lorette ; ou bien peut-être encore quelque marchand d’indulgences, vendant les reliques de Rome, remettant les péchés à un sou la douzaine avec un par-dessus le marché. Oui, oui, je devine pourquoi je te trouve dans la société de ce jeune homme ; c’est, à n’en pas douter, parce que ses vigoureuses épaules endossent les courroies de la besace, et allègent les tiennes courbées sous la paresse et les ans. Mais par la messe ! je déjouerai ton artifice ; oui, j’en jure par le soleil et la lune, je ne souffrirai pas qu’un si honnête jeune homme soit assez dupe de courir le pays avec un vieux coquin, comme le firent Simmie et son frère[1]. « Allons, hors d’ici ! » ajouta-t-il, se relevant avec fureur, et parlant avec tant de précipitation qu’il ne laissait point jour à la moindre réponse, déterminé sans doute à terrifier et à faire fuir ainsi son vieil hôte ; « encore une fois hors d’ici, toi, ton habit rapetassé, ta valise et tes coquilles, ou par le nom des Avenel, je lâche ma meute sur toi. »

Warden attendit avec la plus grande patience que Julien Avenel, étonné que les menaces et la violence de cette apostrophe ne fissent aucune impression, s’arrêtât comme frappé de stupeur, et dît d’un ton moins impérieux : « Pourquoi, malencontreux personnage, ne me réponds-tu pas ?

— Quand vous aurez achevé de parler, dit Warden avec la même tranquillité, j’aurai le temps de vous répondre.

— Au nom du diable ! réponds, vieux ladre : mais fais attention, ne va pas mendier ici ; quand ce ne serait que des pelures de fromage, le rebut des rats, fut-ce un morceau qu’auraient refusé mes chiens, fût-ce une pincée de farine, fût-ce la dix-neu-

  1. Deux quêteurs ou frères mendiants, dont le costume ou la fourberie font le sujet d’un vieux poëme satirique écossais. a. m.