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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/307

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— Seigneur baron, dit Warden, vous croyez me vaincre par ces menaces. Mais entre ces deux choses : cacher la lumière que je dois répandre, ou perdre moi-même la lumière du jour, mon choix ne sera pas douteux. Je vous dirai comme le bienheureux Jean-Baptiste a dit à Hérode : « La loi ne vous a pas accordé cette femme. » Je vous le répéterais, quand les chaînes et la mort seraient devant mes yeux, comptant ma vie pour rien au prix du ministère auquel j’ai été appelé. »

Julien Avenel, outré de cette fermeté inflexible, jeta de sa main droite la coupe qu’il voulait vider à la santé de son hôte, et sa main gauche laissa échapper le faucon : l’oiseau vola à travers l’appartement en jetant des cris sauvages. Le baron mit la main sur son poignard ; mais changeant soudain de résolution, il s’écria : « Au donjon, ce gueux imprudent ! Que personne ne s’avise de m’adresser un mot en sa faveur. Prends garde au faucon, Christie ; sot que tu es, s’il s’échappe, j’enverrai après lui toute la maison… Allons, débarrassez-moi de ce rêveur hypocrite ; employez la violence, s’il le faut ! »

Il fut obéi sur l’un et l’autre point : Christie de Clint-Hill arrêta le faucon qui volait, lui remit les courroies aux pattes, et le tint ferme pendant que Henri Warden était traîné dehors par deux jackman, sans montrer la moindre apparence de terreur. Julien Avenel parcourait à grands pas la salle et gardait un sombre silence. Après un court espace de temps, il dépêcha l’un de ses hommes avec un message secret, qui probablement était relatif à la santé de l’infortunée Catherine, et dit à voix haute : « Ces effrontés et ces intrigants de prêtres… par le ciel ! ils sont faits pour nous rendre pires que nous ne sommes. »

La réponse qu’il reçut à son message sembla calmer sa mauvaise humeur ; il se mit à table, et commanda à sa suite de faire comme lui : tous s’assirent en silence et commencèrent à manger.

Pendant le repas, Christie s’efforçait, mais en vain, d’engager son jeune compagnon à prendre sa part du banquet, ou tout au moins à parler. Halbert Glendinning s’excusa sur sa lassitude, et déclara qu’il ne voulait goûter d’aucune boisson forte, si ce n’est de la bière de bruyère dont à cette époque on faisait ordinairement usage aux repas. Chaque tentative pour animer le banquet était infructueuse : tout à coup le baron, happant la table de sa main, comme impatient de ce long silence, cria d’une voix tonnante : « Qu’est-ce donc ? mes maîtres ; vous êtes des coureurs de fron-