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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/337

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cette chambre ; car alors, comme aujourd’hui encore, une habitation écossaise était toujours trop bornée pour l’hospitalité du propriétaire, et il fallait souvent opérer bien des mutations pour accommoder tous les convives.

La triste nouvelle de la mort de Halbert Glendinning avait dérangé tous les préparatifs et jeté tout en confusion. Marie Avenel, qui réclamait de prompts secours, avait été transportée dans l’appartement habituel d’Halbert et de son frère, parce que celui-ci se proposait de passer la nuit à veiller le prisonnier. On avait tout-à-fait oublié la pauvre Mysie, et naturellement elle s’était retirée dans son petit appartement, ignorant que le lieu qu’il fallait traverser pour en sortir allait être, pour cette nuit, la chambre à coucher de sir Piercy Shafton. Les mesures qu’on avait prises avaient été si précipitées qu’elle ne savait point qu’il y fût détenu, et elle ne commença à soupçonner la vérité qu’en s’apercevant que les autres femmes avaient été conduites dehors par l’ordre du sous-prieur ; voyant qu’elle avait manqué l’occasion de se retirer avec elles, la timidité, et le respect qu’elle avait pour les moines, l’empêchèrent de sortir et de se présenter devant le père Eustache pendant qu’il était en conférence avec l’Anglais ; il ne restait donc d’autre moyen que d’attendre qu’ils eussent fini ; et comme la porte était mince et ne fermait pas très-bien, elle entendait ce qui se passait entre eux.

Il en résulta qu’elle se trouva initiée à tous les détails de cette conférence ; elle vit aussi par la fenêtre de sa petite retraite que plusieurs des jeunes gens qu’Édouard avait demandés arrivaient à la tour. Elle conçut alors l’idée que la vie de sir Piercy Shafton était en grand danger.

Une femme est naturellement compatissante, et elle le devient peut-être davantage quand la jeunesse et la beauté sont le partage de celui qu’elle plaint. La tournure agréable, la mise élégante et les manières polies de sir Piercy Shafton, qui n’avaient fait aucune impression sur l’esprit grave et le caractère élevé de Marie Avenel, avaient tout-à-fait ébloui la pauvre fille du meunier. Le chevalier s’en était aperçu, et flatté de voir que quoiqu’un savait apprécier son mérite, il avait accordé à Mysie une plus grande part de courtoisie que celle qui revenait de droit au rang de la jeune personne. Ces soins ne furent pas perdus ; on les reçut avec la vénération que méritait une si grande condescendance, et ce souvenir, joint à beaucoup de sensibilité naturelle et aux craintes