Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/359

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rait fait supporter avec résignation toutes les autres pertes qu’il aurait faites. »

Frappé de ce peu de paroles où se peignaient le chagrin et le remords, le chevalier anglais pensa qu’il était de son honneur et de sa conscience de lui montrer aussi fortement qu’il le pouvait les risques de la route où elle s’était engagée, et la nécessité de retourner à la maison paternelle. Son discours, quoique orné de fleurs, bien inutiles, n’en était pas moins honorable pour son esprit et pour son cœur.

La fille du meunier, tout en continuant d’avancer, écouta les phrases du chevalier en penchant la tête sur sa poitrine, comme une personne plongée dans de profondes pensées ou dans un grand chagrin. Lorsqu’il eut fini, elle leva la tête, regarda le chevalier en face, et lui répondit avec beaucoup de fermeté : « Si vous êtes las de ma compagnie, sir Piercy Shafton, vous n’avez qu’à le dire, et la fille du meunier ne vous embarrassera pas plus long-temps. Et ne pensez pas que je veuille être un fardeau pour vous ; si nous faisons route ensemble pour Édimbourg, j’ai assez de sagesse et d’orgueil pour ne pas être volontairement à charge à un homme. Mais si maintenant vous ne rejetez pas ma compagnie, et si vous ne craignez pas qu’elle vous devienne importune par la suite, ne me parlez jamais de retourner sur mes pas. Tout ce que vous pouvez me dire, je me le suis dit à moi-même, et si je suis ici maintenant, c’est un signe que toutes mes réflexions ne m’ont servi à rien. Cependant qu’il ne soit plus question de cela entre nous. Je vous ai déjà été utile en quelque chose, et le temps viendra peut-être ou je pourrai vous être plus utile encore ; car ce n’est pas ici votre Angleterre, où on dit que la justice est rendue sans crainte et sans partialité aux grands et aux petits. Mais c’est un pays où l’on se fait justice par la force, où l’on se défend par la présence d’esprit et la ruse, et je connais mieux que vous les périls auxquels vous êtes exposé. »

Sir Piercy Shafton fut un peu mortifié d’entendre que la jeune Mysie pensait lui avoir été utile comme protectrice et comme guide, et il dit qu’il n’avait besoin pour se protéger que de son bras et de sa bonne épée. Mysie répondit tranquillement qu’elle ne doutait nullement de sa bravoure, mais que c’était précisément cette même bravoure qui pouvait le mettre en danger. Sir Piercy, dont la tête ne pouvait suivre long-temps le même raisonnement, ne fit aucune réponse, étant sûr, au fond du cœur, que la jeune