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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/374

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venait d’être mis en son pouvoir, loin d’en paraître joyeux, fut d’abord frappé d’un sentiment pénible ; mais ce moment d’émotion passé, il en fut charmé. « Il est douloureux, » se disait-il en lui-même, « de faire souffrir son semblable, il est terrible de faire verser le sang humain. Mais le juge qui tient dans ses mains l’épée de saint Paul et les clefs de saint Pierre ne doit pas reculer devant ses devoirs. Nos armes se tourneraient contre nous-mêmes, si d’un bras ferme et sans relâche nous n’en frappions les ennemis mortels de la sainte Église. Pereat iste ! qu’il périsse ! telle est la sentence qu’il a méritée, et tous les hérétiques d’Écosse seraient à ses côtés, armés pour le défendre, qu’elle n’en serait pas moins prononcée et mise à exécution… Qu’on amène le prisonnier, » dit-il à haute voix.

Henri Warden fut amené les mains liées, mais les pieds en liberté. « Que tous ceux qui sont inutiles à la garde du prisonnier se retirent, » dit le sous-prieur.

Tous se retirèrent, excepté Christie de Clint-Hill, qui, après avoir renvoyé les hommes qui étaient sous ses ordres, tira son épée du fourreau, et se plaça à côté de la porte pour remplir les fonctions de sentinelle.

Le juge et l’accusé se trouvèrent alors face à face, et dans leurs yeux on voyait briller la noble confiance que chacun avait dans la bonté de sa cause.

Le moine entrait en lice au risque des plus grands périls pour lui-même et pour sa communauté, et il voulait frapper un coup que dans son aveuglement il croyait commandé par son devoir. Le réformateur, plein d’un zèle non moins ardent mais mieux raisonné, était prêt à souffrir pour l’amour de Dieu, et disposé à sceller de son sang la mission évangélique. Placés à une grande distance de cette époque, nous pouvons mieux apprécier la tendance des principes des controversistes, et décider sûrement à qui appartenait la palme. Quoi qu’il en soit, le zèle du père Eustache était aussi dégagé de toute passion terrestre et de vues d’intérêt personnel que s’il eût agi pour une meilleure cause.

Ils s’approchèrent l’un de l’autre, tous les deux armés et préparés à soutenir le combat spirituel, et s’examinant avec des regards scrutateurs, comme si chacun eût cherché à découvrir quelque défaut dans l’armure de son adversaire. Tandis qu’ils s’observaient réciproquement, des souvenirs déjà vieux commencèrent à se réveiller dans leurs cœurs à l’aspect des traits long-