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Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/378

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qu’il y a d’avide, de bas et de malintentionné dans ce siècle d’innovations se précipite pour hâter sa destruction et se partager ses dépouilles. Mais puisque tel est notre sort, et que nous ne pouvons pas combattre dans ce monde comme deux amis l’un à côté de l’autre, agissons au moins comme des ennemis généreux. Vous ne pouvez avoir oublié ces vers :


O gran bonta dei cavaliere antichi
Erano nemici, eran de fede diversat :[1]


Quoique peut-être, » dit le moine en s’arrêtant court dans sa citation, » votre nouvelle croyance vous défende de conserver le souvenir des sentiments de noblesse et de fidélité que les grands poètes ont célébrés.

— La foi de Buchanam et de Bèze ne saurait être ennemie de la littérature ; mais le poète que vous venez de citer renferme des idées plus propres à une cour dissolue qu’à un couvent.

— Je pourrais à mon tour vous répondre sur votre Théodore de Bèze, dit le sous-prieur en souriant ; mais je hais le détracteur qui, semblable à l’insecte qui se nourrit de cadavres, effleure tous les corps qui jouissent de la vie pour découvrir quelque partie corrompue où il puisse s’établir. Revenons à mon projet. Soit que je te conduise moi-même ou que je te fasse conduire prisonnier à Sainte-Marie, tu es un homme perdu ; cette nuit en prison, et demain mis à mort : si je te laisse prendre la clef des champs, je fais tort à la sainte Église, et j’enfreins le vœu solennel qui me lie personnellement. On peut dans la capitale adopter quelque nouvelle décision sur ton compte, ou bien, des circonstances plus favorables peuvent se présenter. Veux-tu rester prisonnier sur parole, et reprendre, oui ou non, ta liberté, comme disent les guerriers de ton pays ; veux-tu me promettre solennellement qu’à ma première réquisition tu te présenteras toi-même devant l’abbé et le chapitre de Sainte-Marie, et me donner ta parole que tu ne t’éloigneras pas de cette maison à plus d’un quart de mille de distance ? Veux-tu, dis-je, m’en donner la parole : telle est la ferme confiance que j’ai dans ta bonne foi, que tu resteras ici en sûreté, sans gardes, comme un prisonnier libre, obligé seulement de comparaître devant notre cour lorsque tu en seras requis. »

  1. Telle était la bonté des anciens chevaliers, quoique ennemis et de croyance différente. a. m.