Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 13, 1838.djvu/415

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oignons et d’un morceau de lard fumé. Mais, quelque frugal que fût ce repas, nul Écossais de cette époque, eût-il été d’un rang bien supérieur à celui de Glendinning, n’eût refusé de le partager, surtout lorsque le colporteur prit d’un air mystérieux une corne de bélier qui était pleine d’un excellent usquebaugh, liqueur absolument étrangère à Halbert ; car les liqueurs fortes connues dans le sud de l’Écosse venaient de la France, et l’on n’en faisait que rarement usage. Le colporteur la lui recommanda en disant qu’il se l’était procurée lors de sa dernière visite dans les montagnes de Donne, où il avait fait quelques opérations mercantiles sous la protection du laird de Buchanan ; et, désirant donner l’exemple à Halbert, il vida sa coupe en s’écriant dévotement : « À la prompte chute de l’antéchrist ! »

Leur repas était à peine terminé, qu’un nuage de poussière s’éleva sur la route qu’ils découvraient, et ils aperçurent confusément une dizaine de cavaliers s’avançant avec rapidité, tandis que l’éclat du soleil qui frappait leurs casques et le fer de leurs lances les rendait éblouissants.

« C’est sans doute, dit le colporteur, l’avant-garde de Murray ; cachons-nous dans les taillis, et mettons-nous hors de vue.

— Pourquoi cela, dit Halbert ; allons plutôt au devant d’eux et faisons-leur un signe.

— Que Dieu vous en préserve ! reprit le colporteur ; connaissez-vous si mal les coutumes de la nation écossaise ? Ce peloton de lances qui marchent à grands pas sera commandé par quelque parent farouche de Morton, ou par quelque audacieux qui ne craint ni Dieu ni les hommes. Leur affaire se borne à chercher querelle aux ennemis qu’ils peuvent rencontrer, et à en débarrasser le chemin ; quant au chef, il ne sait rien de ce qui arrive ; il s’avance accompagné de partisans et d’amis plus sages et plus modérés ; peut-être n’est-il plus maintenant qu’à un mille d’ici. Quand bien même nous irions à la rencontre de ces vauriens qui portent des ceinturons de laird, votre lettre ne nous servirait pas à grand’chose, et mon ballot pourrait me jouer un mauvais tour. Ils nous arracheraient nos vêtements pièce à pièce, nous attacheraient des pierres aux talons, et nous jetteraient dans l’un de ces étangs aussi nus qu’au moment où nous sommes venus en ce séjour de trouble et de corruption. Ni Murray ni d’autres n’en entendraient jamais parler. Et quand il viendrait à le savoir, qu’en arriverait-il ? Une telle action serait considérée comme une pure