Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/104

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« C’est à vous d’en trouver le moyen, répondit-elle, car j’ai fait peut-être un pas de trop en entamant la conversation.

— Ne pourrions-nous pas commencer, comme dans un roman, par nous demander mutuellement notre nom et notre histoire ?

— Fort bien imaginé ! cela prouve un jugement sain. Commencez et j’écouterai ; vous me permettrez seulement de vous demander des explications sur les parties obscures de votre histoire. Allons, ma nouvelle connaissance, dites-moi votre nom, et racontez-moi votre vie.

— Je m’appelle Roland Græme, et cette vieille femme est ma grand’mère.

— Et votre tutrice ? bien : quels sont vos parents ?

— Ils sont morts.

— Mais qui étaient-ils ? car vous avez eu un père et une mère, à ce que je présume.

— C’est probable ; mais l’on ne m’a conté que bien peu de chose de leur histoire. Mon père était un chevalier écossais qui mourut vaillamment sur ses étriers ; ma mère était une Græme d’Heathergill, dans le territoire en litige ; presque tous les membres de sa famille périrent quand cette contrée fut livrée aux flammes par lord Maxwell et Herries de Caerlaverock.

— Y a-t-il long-temps ?

— C’était avant ma naissance.

— Cela doit être bien loin de nous, » dit la jeune personne en secouant gravement la tête ; « si loin de nous que je ne saurais les pleurer.

— Cela n’est pas nécessaire ; ils sont tombés avec honneur.

— Assez, beau sire, sur votre parenté morte, » reprit Catherine ; et regardant le balcon : « j’en préfère l’échantillon vivant. Votre très-honorée grand’mère a un air à faire pleurer tout de bon. Maintenant, beau sire, passons à ce qui vous regarde personnellement. Si vous n’allez pas plus vite à me conter votre histoire, vous ne m’en direz pas la moitié ; car la mère Brigitte fait une pause plus longue chaque fois qu’elle passe devant la fenêtre, et avec elle il y a aussi peu à rire que sur la tombe de vos aïeux.

— Mon histoire ne sera pas longue : on me plaça au château d’Avenel comme page de la maison.

— N’est-ce pas une stricte huguenote ?

— Aussi stricte que Calvin lui-même. Mais ma grand’mère sait affecter le puritanisme quand elle juge la dissimulation utile à ses