Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/109

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CHAPITRE XII.

le repas.


Mon frère, écoute-moi : je suis le plus âgé, le plus sage, le plus saint ; et l’âge, la sagesse, la sainteté, ont des droits péremptoires et auxquels on doit se soumettre.
Ancienne comédie.


Quand les matrones eurent mis fin, en rentrant, à la conversation que nous venons de rapporter, Madeleine Græme adressa ces mots à son petit-fils et à sa jolie compagne : « Eh bien ! mes enfants, avez-vous causé ? avez-vous fait connaissance comme deux voyageurs qui se trouvent réunis par le hasard dans un chemin obscur et dangereux, et qui, chacun de son côté, cherchent à pénétrer le caractère et les penchants du compagnon qui doit partager leurs périls ? »

L’enjouée Catherine ne pouvait que rarement retenir une plaisanterie, quoique souvent après avoir parlé elle regrettât de n’avoir pas eu la sagesse de se taire.

« Votre petit-fils, dit-elle, est tellement épris du voyage dont vous parlez, qu’il me disait tout à l’heure qu’il était prêt à l’entreprendre sur-le-champ.

— Vous êtes trop vif aujourd’hui, Roland, dit la dame, comme hier vous étiez trop tiède : le juste milieu est d’attendre patiemment le signal, et de partir dès qu’il est donné. Mais encore une fois, mes enfants, avez-vous assez observé mutuellement vos traits, pour qu’en vous rencontrant sous des déguisements que les circonstances pourront nécessiter vous soyez sûrs de reconnaître l’un dans l’autre l’agent secret du grand œuvre à l’accomplissement duquel vous devez contribuer ? Regardez-vous ; observez réciproquement votre visage, votre tournure. Apprenez à reconnaître par le pas, par le son de voix, par le mouvement de la main, par un regard, le compagnon que le ciel vous a envoyé pour remplir sa volonté. Mon Roland Græme, reconnaîtrais-tu cette jeune fille en quelque temps, en quelque lieu que tu vinsses à la rencontrer ? »