Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/116

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« Notre jeune hôte, dit gravement Catherine, m’aidait à attacher plus solidement la vache à son poteau, car, la nuit dernière, elle a mis la tête à la fenêtre, et poussé un mugissement qui a jeté l’alarme dans tout le village ; et les hérétiques nous accuseront de sorcellerie s’ils ignorent la cause de cette apparition, ou nous enlèveront notre vache s’ils la découvrent.

— Rassurez-vous, » répliqua l’abbesse avec une légère teinte d’ironie, « la personne à qui l’animal est vendu va venir la prendre tout à l’heure.

— Adieu donc, ma pauvre compagne ! » reprit Catherine en caressant l’épaule de la vache ; « je te souhaite de tomber en de bonnes mains ; car, depuis quelque temps, mes heures les plus douces ont été celles où je te donnais mes soins. Plût à Dieu que je n’eusse jamais à remplir de tâche plus relevée !

— Fi donc ! fille sans cœur, s’écria l’abbesse : sont-ce là des paroles dignes du nom de Seyton et d’une sœur de ce monastère, marchant dans les voies de la grâce ? Et les prononcer devant un jeune étranger ! Allez à mon oratoire, petite folle, et lisez vos heures jusqu’à mon retour ; je vous donnerai une leçon qui vous fera sentir tout le prix des grâces qui vous ont été accordées. »

Catherine allait se retirer en silence jetant sur Roland Græme, un regard moitié triste, moitié comique, lequel semblait dire : Vous voyez à quoi votre visite m’a exposée ; quand, changeant tout à coup de dessein, elle s’avança vers le page, et lui tendit la main pour lui souhaiter le bonsoir. Leurs mains se pressèrent avant que l’abbesse étonnée pût s’y opposer, et Catherine eut le temps de dire : « Pardonnez-moi, ma mère ; il y a long-temps que nous n’avons vu un visage nous regarder avec bienveillance. Depuis que les troubles ont détruit la paix de notre retraite, nous n’avons rencontré que haine et méchanceté. Je fais à ce jeune homme un adieu amical, parce qu’il est venu ici comme un ami, et parce qu’il est probable que nous ne nous reverrons plus dans ce monde. Je comprends mieux que lui combien les projets où vous vous jetez sont au-dessus de vos forces, et sur quelle pente périlleuse vous placez une pierre qui vous entraînera dans sa chute. Je dis adieu, ajouta-t-elle, à celui qui sera peut-être victime avec moi. »

Ces paroles furent prononcées avec l’expression d’un sentiment vif et profond, bien éloigné de la légèreté ordinaire de Catherine : on put voir que, sous l’apparence de l’inexpérience et de l’étour-