Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/119

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Quelquefois elle donnait à entendre, quoique obscurément, qu’elle était prédestinée par le ciel à contribuer à cette noble entreprise, et que le zèle qui l’entraînait avait une garantie plus qu’humaine. Mais elle s’exprimait sur ce sujet en termes si vagues, qu’il eût été difficile de décider si elle s’attribuait une vocation directe et surnaturelle, comme la célèbre Élisabeth Barton, appelée communément la nonne de Kent, ou si elle entendait seulement parler du devoir imposé à tous les catholiques de cette époque, et dont elle sentait sans doute l’obligation à un degré extraordinaire.

Toutefois, bien que Madeleine Græme ne prétendît point ouvertement se faire considérer comme étant au-dessus de la classe ordinaire des mortels, quelques-unes des personnes que nos voyageurs rencontrèrent, lorsqu’ils furent dans une partie de la vallée plus fertile et plus populeuse, semblèrent indiquer par leur conduite qu’ils lui reconnaissaient des attributs supérieurs. Il est vrai que des pasteurs qui conduisaient un troupeau, quelques villageoises qui paraissaient réunies pour une partie de plaisir, un soldat en congé, avec son casque rouillé, et un étudiant en voyage, comme l’indiquaient son habit noir râpé et son paquet de livres, passèrent près d’eux sans les remarquer, ou en jetant sur eux un regard de mépris ; et même plusieurs enfants, attirés par le costume de Madeleine, qui ressemblait tant à celui des pèlerins, s’ameutèrent et la poursuivirent de huées en l’appelant « vieux marchand de messes. » Mais un ou deux voyageurs qui respectaient encore au fond du cœur la hiérarchie déchue, jetant autour d’eux un regard timide, pour s’assurer qu’on ne les observait point, firent un signe de croix, fléchirent le genou devant la sœur Madeleine, ainsi qu’ils l’appelèrent, baisèrent sa main ou même le bas de sa robe, et reçurent avec humilité les bénédictions dont elle paya leurs marques de respect ; puis se relevant, et regardant encore d’un œil craintif si personne ne les avait vus, ils continuèrent promptement leur route. Quelques-uns même, exposés aux regards de personnes de la religion dominante, furent assez hardis pour croiser les bras et incliner la tête, afin de témoigner de loin et en silence qu’ils reconnaissaient la sœur Madeleine, et qu’ils honoraient sa personne et approuvaient ses projets.

Elle ne manqua pas de faire remarquer à son petit-fils ces témoignages de respect qu’elle recevait de temps à autre. « Vous voyez, mon fils, lui disait-elle, que les ennemis de la foi n’ont pu détruire entièrement le bon esprit, étouffer toute la vraie semence. Au mi-