Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/125

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cérémonies religieuses dans le secret et le mystère et avec le moins d’ostentation possible.

Deux ou trois frères des plus âgés avaient succombé sous le poids des années, et l’on avait écarté un peu les débris pour les ensevelir. Sur la sépulture du père Nicolas était posée une pierre qui rappelait qu’il avait prononcé ses vœux du temps de l’abbé Ingelram, époque qui lui revenait si souvent à la mémoire. Une autre tombe, placée plus récemment, recouvrait le corps de Pierre le sacristain, célèbre pour son excursion aquatique avec le fantôme d’Avenel ; et une troisième, la plus récente de toutes, portait la figure d’une mitre, avec ces mots : Hic jacet Eusthatius abbas ; car nul n’avait osé y ajouter un mot d’éloge sur sa science et son zèle ardent pour la foi catholique.

Madeleine Græme lut successivement les inscriptions de ces tombes, et, s’arrêtant à celle du père Eustache : « Pour ton bonheur, dit-elle, mais, hélas ! pour le malheur de l’Église, tu as été retiré du milieu de nous. Que ton esprit soit avec nous, saint homme. Encourage ton successeur à marcher sur tes traces. Donne-lui ta hardiesse et ton habileté, ton zèle et ta prudence ; car il n’est pas moins pieux que toi-même. » Comme elle disait ces mots, une porte latérale qui conduisait des appartements de l’abbé à l’église s’ouvrit, afin que les pères pussent entrer dans le chœur, et conduire au maître-autel le supérieur qu’ils venaient de choisir.

Autrefois c’était une des plus pompeuses cérémonies que la hiérarchie romaine eût imaginées pour s’attirer la vénération des fidèles. Le temps pendant lequel la place d’abbé restait vacante était un temps de deuil, ou, comme les moines l’appelaient dans leur langage emblématique, un temps de viduité ; et cette tristesse se changeait en joie et en jubilation dès qu’un nouveau supérieur était choisi. Lorsqu’on ouvrait, dans ces occasions solennelles, les portes à deux battants, et que le nouvel abbé se montrait sur le seuil, dans tout l’éclat de sa dignité, avec l’anneau et la mitre, la dalmatique et la crosse, devant lui les vieux porte-bannières et les jeunes acolytes ; derrière, le vénérable cortége des moines, et tous les accessoires qui pouvaient annoncer l’autorité suprême à laquelle il venait d’être élevé : à cette apparition, l’orgue faisait retentir soudain des chants de réjouissances, auxquels toute la congrégation répondait par d’éclatants alleluia ! Aujourd’hui tout