Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/127

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n’était point abattu, sa démarche était ferme et solennelle ; il semblait penser que l’autorité qu’on lui conférait ne dépendait nullement des circonstances au milieu desquelles il l’allait recevoir ; et si la crainte ou le chagrin pouvait approcher d’une âme aussi ferme, il éprouvait ces sentiments, non pour lui-même, mais pour l’Église à laquelle il s’était dévoué.

Enfin il monta les marches brisées du maître-autel, pieds nus, comme le prescrivait la règle, mais sans autre insigne que son bâton pastoral, car les anneaux précieux et la mitre enrichie de pierreries étaient tombés entre les mains des pillards. Des vassaux soumis ne vinrent point l’un après l’autre rendre hommage à leur supérieur spirituel, et lui présenter le tribut d’usage, un palefroi tout harnaché. Nul évêque n’assistait à cette solennité pour recevoir dans les rangs de l’aristocratie cléricale un dignitaire dont la voix pouvait avoir autant de puissance dans les conciles. En abrégeant les cérémonies prescrites, le peu de frères qui restaient s’avancèrent successivement pour donner à l’abbé le baiser de paix en signe d’affection fraternelle et l’hommage spirituel. La messe fut dite avec autant de précipitation que s’il se fût agi seulement de satisfaire les scrupules de quelques jeunes gens impatients de se rendre à une partie de chasse, et non d’accomplir la plus solennelle partie d’une ordination solennelle ; le prêtre se trompa plusieurs fois en récitant l’office divin, et regarda souvent autour de lui comme s’il s’attendait à être interrompu au milieu des saints mystères ; et les frères l’écoutaient avec le désir de le voir abréger encore ses prières, quelque courtes qu’elles fussent déjà.

Ces symptômes d’alarmes s’augmentèrent à la fin de la cérémonie : ce n’était pas tout à fait, comme il parut, une vaine appréhension ; car, entre les strophes de l’hymne, on entendit des sons d’une espèce toute différente, faibles d’abord et éloignés, mais qui s’approchèrent enfin des murailles extérieures de l’église, et troublèrent, par le bruit le plus discordant, les chantres qui célébraient l’office. Des cors qui respectaient peu l’harmonie, des cloches, des tambours, des cornemuses, des cymbales, les cris d’une multitude qui semblait tantôt rire, tantôt entrer en fureur ; les vois aiguës de femmes et d’enfants, mêlées aux clameurs plus bruyantes des hommes, formaient un mélange confus de sons, qui d’abord étouffa et bientôt arrêta le chant des religieux. La cause et le résultat de cette interruption extraordinaire seront expliqués dans le prochain chapitre.