Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/14

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

serra l’une contre l’autre dans une agonie de désespoir ; il lui semblait que le ciel eût écrit qu’elle n’aurait pas d’enfants. Un grand chien courant, de ceux que l’on emploie à poursuivre le cerf, attiré peut-être par ce geste, s’approcha d’elle en ce moment, passa sa large tête sous ses mains et les lécha. Elle lui accorda en retour les caresses qu’il demandait ; mais la triste impression ne fut pas effacée.

« Wolf, » lui dit-elle, comme si l’animal eût pu comprendre ses douleurs, « tu es un noble et bel animal ; mais, hélas ! l’amour et l’affection dont je brûle de disposer sont d’une nature trop élevée pour t’appartenir, et cependant je t’aime beaucoup. »

Et comme pour s’excuser auprès de Wolf de lui refuser toute son affection, elle caressait son dos et sa tête, qui se redressait fièrement, tandis que le noble animal, fixant ses yeux sur ceux de sa maîtresse, semblait lui demander ce qui lui manquait, et comment il pouvait lui prouver son attachement. En ce moment on entendit un cri de détresse partir du groupe d’enfants qui était naguère si joyeux sur le rivage : la dame regarda, et en aperçut la cause avec effroi. Le petit navire, objet de l’attention et du ravissement général, avait échoué parmi quelques touffes de nénuphar qui croissaient sur un bas-fond à la distance d’un trait de flèche du rivage. Un petit garçon, plein de courage, et le premier en tête de ceux qui faisait le tour du lac, n’hésita pas un moment à ôter sa veste, à se jeter à l’eau, et à nager vers l’objet de la commune sollicitude. Le premier mouvement de la dame avait été de crier au secours ; mais elle remarqua que le petit garçon nageait avec force et sans crainte ; et comme elle vit qu’un ou deux villageois, témoins éloignés du fait, ne semblaient pas s’en occuper autrement, elle supposa qu’il était accoutumé à cet exercice, et qu’il n’y avait pas de danger. Mais, soit qu’en nageant il se fût frappé la poitrine contre quelque roche, soit qu’il fût saisi par une crampe, ou qu’il eût mal calculé ses forces, il arriva qu’après avoir dégagé le navire des obstacles qui l’arrêtaient, et lui avoir fait reprendre sa course, l’enfant eut à peine fait quelques brasses pour se rapprocher du rivage qu’il se leva tout à coup au-dessus de l’eau, poussant un grand cri et frappant les mains avec une expression de douleur et d’effroi.

Aussitôt lady Avenel alarmée cria à ses serviteurs de se jeter dans le bateau ; mais cette manœuvre ne laissa pas de demander quelque temps. Le seul bateau qu’il fût permis d’employer sur le