Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/16

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désirs ; il vous appartient maintenant de l’élever de manière qu’il ne puisse pas un jour regretter de n’avoir point péri dans son état d’innocence.

— Je m’en charge dès ce moment, » s’écria la dame, jetant de nouveau les bras au cou du petit garçon, l’accablant de baisers et de caresses : tant elle était agitée de terreur en songeant au danger qu’il venait de courir, et de joie en l’y voyant inopinément arraché !

« Mais vous n’êtes pas ma mère, » dit l’enfant, rappelant ses esprits, et faisant de faibles efforts pour se dérober aux caresses de lady Avenel ; « vous n’êtes pas ma mère… Hélas ! je n’ai pas de mère… je rêvais seulement que j’en avais une.

— Je réaliserai votre rêve, mon petit ami, répliqua lady Avenel, je serai moi-même votre mère. Certainement, Dieu a exaucé mes prières, puisque, dans sa merveilleuse bonté, il m’a envoyé un objet à qui je puis enfin prodiguer toute mon affection. » En parlant elle regardait Warden. Le ministre hésitait sur ce qu’il devait répondre à ce discours plein de sentiment, et dans lequel il trouvait plus d’enthousiasme que la circonstance n’en comportait. Cependant le grand Wolf, qui, tout mouillé qu’il était, avait suivi sa maîtresse jusque dans son appartement, et s’était couché près du lit, spectateur tranquille des efforts que l’on faisait pour rappeler à la vie celui qu’il avait sauvé, commençait à s’impatienter de ne point attirer l’attention : il se mit à grogner et à toucher de ses grosses pattes la jupe de sa maîtresse.

« Oui, dit-elle, mon bon Wolf, tu seras récompensé pour ce que tu as fait aujourd’hui, et je t’aimerai davantage pour avoir sauvé la vie d’une si belle créature. »

Peu satisfait de cette part qu’il venait d’obtenir dans les attentions de sa maîtresse, Wolf continua de vouloir mettre ses pattes sur elle, tout en jappant, caresses d’autant moins agréables que ses longs poils étaient encore ruisselants d’eau ; jusqu’à ce qu’enfin lady Avenel ordonnât à un domestique, avec lequel l’animal était très-familier, de l’appeler hors de l’appartement. Wolf résista long-temps à cette invitation, et ce ne fut qu’après que sa maîtresse le lui eut plusieurs fois commandé d’un ton tout à fait fâché, qu’il se décida à sortir. Alors, se tournant vers le lit où l’enfant reposait, encore à demi plongé dans une espèce de délire, il fit une horrible grimace, poussa un aboiement sauvage et sinistre, et montrant une rangée complète de dents blanches et aiguës comme