Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/187

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hardiesse, et lui dit d’un ton sévère : « Oui-da, mon maître ! vous chantez bien haut pour un jeune coq, et pour un coq de village surtout.

— Si le temps et le lieu étaient propices, dit Roland, tu verrais que je puis faire autre chose que de chanter. Mais fais ton devoir, et va dire au régent que j’attends son bon plaisir.

— Tu es bien impertinent de me parler de mon devoir, répliqua l’huissier ; mais je trouverai le temps de te montrer le tien. En attendant, reste jusqu’à ce qu’on ait besoin de toi. » À ces mots, il ferma la porte sur Roland.

Michel qui, pendant cette altercation, s’était éloigné de son compagnon, selon la maxime établie chez les courtisans de tous les rangs et dans tous les siècles, transgressa cette prudente règle de conduite au point de se rapprocher de lui.

« Vous êtes un jeune homme hardi, lui dit-il, et je vois fort bien que mon vieil ami avait raison dans sa prudence. Voilà cinq minutes que vous êtes à la cour, et vous avez si bien employé votre temps que vous vous êtes fait un ennemi puissant et mortel de l’huissier de la chambre du conseil. Ma foi, mon ami, autant aurait valu offenser le vice-sommeiller.

— Peu m’importe qui il est ; je forcerai bien ceux à qui je parle à me répondre avec civilité. Je ne suis pas venu d’Avenel pour être méprisé à Holy-Rood.

— Bravo, mon garçon ! voilà de bien belles dispositions, si vous pouvez les conserver. Mais silence ! la porte s’ouvre. »

L’huissier reparut, et dit, d’un ton et d’un air plus civils, que Sa Grâce le régent recevrait le messager du chevalier d’Avenel ; et en conséquence il introduisit Roland dans la salle d’où le conseil venait d’être congédié, après avoir terminé ses délibérations. On y voyait une grande table en chêne entourée de chaises de même bois, et au bout de laquelle était un grand fauteuil couvert de velours cramoisi. Des écritoires, des papiers y étaient placés dans un désordre apparent. Deux conseillers privés qui étaient restés les derniers prirent leurs manteaux, leurs toques et leurs épées, et après avoir salué le régent, se retirèrent lentement par une grande porte, située en face de celle par où le page venait d’entrer. Le comte venait sans doute de dire quelque bon mot ; car le sourire de ces deux conseillers exprimait cette sorte d’approbation cordiale dont les courtisans paient les plaisanteries que daigne faire un prince.