Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/189

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vait de cachet à la lettre, pour lui demander son nom, tant il était frappé de la beauté de ses traits et du charme de sa personne !

« Roland Græme ! » dit-il en répétant les paroles que le page venait de prononcer avec hésitation, « quoi ! vous êtes de la famille des Graham du comté de Lenox ?

— Non, milord, répondit Roland ; mes parents demeuraient sur le territoire contesté. »

Murray, sans faire d’autres questions, se mit à lire sa dépêche. Pendant cette lecture, son front prit une expression sévère de mécontentement, comme celui d’une personne surprise et troublée tout à la fois. Il s’assit sur le siège le plus proche, fronça les sourcils, lut la lettre deux fois, et garda le silence quelques minutes ; enfin levant la tête, ses yeux rencontrèrent ceux de l’huissier, qui s’efforçait en vain de quitter le regard curieux avec lequel il avait parcouru les traits du régent, pour prendre cette expression insignifiante qui, en voyant tout, semble ne rien remarquer. On peut recommander l’usage de cette expression de physionomie à tous ceux qui, sous un titre quelconque, sont admis auprès de leurs supérieurs au moment où ceux-ci jugent à propos de ne pas se tenir sur leurs gardes.

Les grands hommes sont aussi jaloux de leurs pensées que la femme du roi Candaule était jalouse de ses charmes : ils sont aussi disposés à punir ceux qui, même involontairement, ont surpris leur esprit dans son déshabillé.

« Quittez l’appartement, Hyndman, » lui dit le régent d’un ton sévère, « et portez ailleurs votre esprit d’observation. Vous êtes trop connaisseur pour votre poste qui, par une disposition spéciale, est destiné aux hommes d’une intelligence moins pénétrante. C’est bien ! maintenant vous avez l’air d’un sot (car Hyndman, comme on peut le supposer aisément, ne fut pas peu découragé de ce reproche), gardez cet air confus, et cela pourra vous conserver votre emploi. Retirez-vous. »

L’huissier partit déconcerté, et entre autres causes de haine qu’il accumulait contre Roland, il n’oublia pas que celui-ci venait d’être témoin de cette peu gracieuse réprimande. Lorsqu’il eut quitté l’appartement, le régent s’adressa derechef au page.

« Votre nom, dites-vous, est Armstrong ?

— Non, milord, je me nomme Roland ; mes parents portaient le surnom d’Heathergill[1], et demeuraient sur le territoire contesté.

  1. Heather gill, mot composé qui revient à : Fleur de Bruyère. a. m.