Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/223

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attaché ni à l’une ni à l’autre. Il paraissait également certain que la place de page dans la maison de la reine déposée, à laquelle il venait d’être promu par l’influence du régent, lui avait été destinée par son enthousiaste aïeule, Madeleine Græme ; car, à ce sujet, les paroles qui étaient échappées à Morton avaient été pour lui un rayon de lumière. Cependant il n’était pas moins évident que le régent et Madeleine Græme, l’un ennemi déclaré, l’autre fougueux défenseur de la religion catholique, l’un à la tête du nouveau gouvernement du roi, l’autre regardant ce gouvernement comme une usurpation criminelle, devaient exiger et attendre des services bien différents de l’individu qu’ils s’étaient accordés à recommander. Il ne fallait que très-peu de réflexion pour prévoir que ces prétentions contradictoires pourraient le placer bientôt dans une situation où son honneur ainsi que sa vie se trouveraient en danger. Mais Roland n’était pas d’humeur à prévoir le mal avant qu’il arrivât, ou à se préparer à combattre des difficultés avant qu’elles se présentassent. « Je vais voir, disait-il, cette belle et infortunée Marie Stuart dont j’ai tant ouï parler ! et il sera bien assez temps alors de me décider si je me rangerai du parti du roi ou de celui de la reine. Ni l’un ni l’autre ne peut dire que je lui aie engagé ma parole, ni que je lui aie fait de promesse ; car ils m’ont tous entraîné en aveugle, sans me donner la moindre lumière sur ce que j’avais à faire. Mais il est heureux que le farouche Douglas soit entré ce matin dans le cabinet du régent, autrement je ne me serais jamais débarrassé de lui sans jurer solennellement de faire tout ce qu’il attendait de moi : et après tout c’est jouer un tour infâme à cette pauvre reine prisonnière que de placer près d’elle un page pour l’espionner. »

Ayant passé aussi légèrement sur une matière de cette importance, le jeune étourdi laissa errer ses pensées sur des sujets plus agréables. Tantôt il admirait les tours gothiques de Barnbougle, qui, s’élevant sur un rocher battu par la mer, dominent un des plus beaux paysages de l’Écosse ; tantôt il considérait combien le pays varié où il voyageait devait procurer de plaisir aux amateurs de la chasse, aux chiens et aux faucons ; tantôt enfin il comparait la marche lente et monotone de ce voyage aux délices de parcourir librement les collines et les vallons pour se livrer à ses amusements favoris. Excité par ce joyeux souvenir, il donna un coup d’éperon à son cheval, et lui fit exécuter une caracole ; ce qui lui attira aussitôt une réprimande de son austère voisin, qui lui signi-