Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/265

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savez, ma chère lady Fleming, que j’ai à combattre à la fois en moi-même l’orgueil de mon père et la fierté de ma mère. Dieu les bénisse ! ils m’ont légué ces bonnes qualités, ayant, dans ces temps désastreux, peu d’autres biens à me laisser ; aussi suis-je entêtée et arrogante ; mais que j’aie seulement passé une semaine dans ce château, et mon caractère, ma chère lady Fleming, sera aussi assoupli, et deviendra aussi bon que le tien. »

Le sentiment que lady Fleming avait de sa propre dignité, et son amour de l’étiquette, ne purent résister à cet appel affectueux. Elle embrassa Catherine Seyton à son tour avec amitié, et répondant à la dernière partie de son discours : « Maintenant, dit-elle, que Notre-Dame veuille, ma chère Catherine, que vous ne perdiez rien de cette légèreté de cœur et d’humeur joyeuse qui vous convient si bien. Faites seulement une prudente attention à la causticité de votre esprit sans frein, et nous n’aurons alors qu’à nous en louer ; mais laissez-moi partir, petite folle, j’entends Sa Grâce qui m’appelle. » Et s’arrachant des bras de Catherine, elle se dirigea vers la porte de la chambre de la reine, d’où se faisait entendre le son adouci d’un sifflet d’argent qui, employé aujourd’hui seulement par les contre-maîtres de la marine royale, était alors, faute de sonnettes, l’instrument ordinaire avec lequel les dames, même du plus haut rang, appelaient leurs domestiques. Lorsque Marie Fleming eut fait deux ou trois pas vers la porte de l’appartement de la reine, elle se retourna, et, s’avançant vers les jeunes gens qu’elle laissait seuls, elle leur dit très-sérieusement, quoique à voix basse : « Je crois qu’il est impossible à aucun de nous, et dans aucune circonstance, d’oublier que seuls, malgré notre petit nombre, nous formons la maison de la reine d’Écosse ; et que, pendant le temps de son malheur, tous jeux enfantins, toutes plaisanteries puériles ne peuvent servir qu’à donner un sujet de triomphe à ses ennemis : car déjà ils ont trouvé leur compte à lui reprocher la légèreté et les folies badines de la jeunesse de sa cour. » À ces mots, elle quitta l’appartement.

Catherine Seyton parut frappée de cette remontrance. Elle se laissa tomber sur le siège d’où elle s’était levée pour aller embrasser dame Marie Fleming, et resta quelque temps le front appuyé sur ses mains, tandis que Roland Græme la regardait avec attention et avec un mélange d’émotions qu’il n’aurait peut-être pas pu analyser ou expliquer lui-même. En levant son front, que certains petits reproches intérieurs l’avaient contrainte de baisser,