Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/28

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« Oui, milady, » répliqua l’enfant ; car il s’était maintenant familiarisé et répondait hardiment et promptement aux questions de sa protectrice, « je veux être soldat, car il n’y a de gentilhomme que celui qui porte une épée à son côté.

— Toi, gentilhomme ! » dit Lilias qui, comme à l’ordinaire, était auprès de sa maîtresse ; « un gentilhomme comme j’en ferais un d’une cosse de fève, avec un couteau rouillé.

— Allons, ne le tourmentez pas, Lilias, dit la dame d’Avenel ; car, ou je suis bien trompée, où il est d’un sang noble : voyez comme vos injures lui font monter le rouge au visage.

— Si j’étais la maîtresse, madame, répondit Lilias, une bonne baguette de bouleau lui donnerait des couleurs d’une manière plus utile.

— En vérité, Lilias, dit la dame, on dirait que ce pauvre enfant s’est rendu coupable de quelque offense envers vous ; ou bien s’il ne peut obtenir vos bonnes grâces, je ne me trompe pas en disant que c’est précisément parce qu’il est très-avant dans les miennes ?

— À Dieu ne plaise ! milady, répondit Lilias ; j’ai vécu trop longtemps avec les gens de qualité pour trouver à redire à leurs folies ou à leurs caprices, pour un chien, pour un oiseau, ou un enfant. »

Lilias était une espèce de favorite, une domestique gâtée, qui souvent se donnait plus de liberté avec sa maîtresse que celle-ci n’était disposée à en permettre. Mais ce qui ne plaisait pas à la dame d’Avenel, elle faisait semblant de ne pas l’entendre, et c’est ce qui arriva dans cette circonstance. Elle résolut de veiller avec plus de soin et plus d’attention sur l’enfant, qui jusqu’alors avait été principalement confié à la garde de Lilias. « Il doit, se disait-elle, être né d’un sang noble ; ce serait lui faire injure de penser autrement d’une taille si bien prise et de traits si intéressants. Le caractère passionné auquel il s’abandonnait quelquefois, son mépris du danger et son impatience de toute contrainte, avaient en eux quelque chose d’aristocratique. Assurément l’enfant était né dans, un rang élevé. » Telle fut sa conclusion ; et elle agit en conséquence. Les autres domestiques, moins jaloux, ou moins scrupuleux que Lilias, agirent comme font ordinairement les gens de cette classe : ils suivirent le courant et flattèrent, dans leur propre intérêt, le caprice de leur maîtresse. Par suite, l’enfant se donna bientôt ces airs de supériorité que la vue d’une déférence générale manque rarement d’inspirer. On aurait dit effectivement que