Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/346

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— La dame de Lochleven, » dit Marie Fleming à haute voix, « ferait certainement bien de se retirer maintenant, et de laisser reposer Sa Grâce.

— Oui, répliqua la dame, ou de laisser Sa Grâce et ses mignonnes chercher entre elles quelle sera la sotte mouche qui pourrait maintenant tomber dans leurs pièges. Mon fils aîné est veuf : ne serait-il pas plus digne des espérances flatteuses par lesquelles vous avez séduit son frère ?… Il est vrai qu’on a déjà usé trois fois du mariage ; mais l’Église de Rome en fait un sacrement, et ses sectaires pensent peut-être qu’on n’y saurait jamais participer trop souvent.

— Et, en revanche, » dit Marie qui rougissait d’indignation, « comme les sectateurs de l’Église de Genève considèrent que le mariage n’est pas un sacrement, on dit qu’ils se dispensent parfois de la sainte cérémonie. » Puis, comme si elle eût craint les suites de cette allusion aux erreurs de la vie première de la dame de Lochleven, la reine ajouta : « Venez, ma Fleming ; nous lui faisons trop d’honneur en poursuivant cette altercation ; retirons-nous dans notre appartement. Si elle veut nous déranger encore cette nuit, il faudra qu’elle fasse forcer la porte. » En disant ces mots elle se retira dans sa chambre à coucher, suivie de ses deux femmes.

Lady Lochleven, stupéfaite par ce dernier sarcasme, et persuadée qu’elle n’était pas la seule à sentir combien il était mérité, restait comme une statue à la place qu’elle occupait quand elle reçut ce sanglant affront. Dryfesdale et Randal cherchaient à la distraire par leurs questions.

— Quels sont les ordres de Votre honorable Seigneurie pour la sûreté du château ? Ne faut-il pas doubler les sentinelles, et en placer une dans les bateaux et une au jardin ? dit Randal.

— Voulez-vous qu’on envoie des dépêches à Édimbourg pour instruire sir William Ashton de ce qui s’est passé ? demanda Dryfesdale ; et ne faudra-t-il pas donner l’alarme dans Kinross, au cas où il y aurait des forces ennemies sur le lac ?

— Fais tout ce qu’il te plaira, » répondit la dame en se remettant de son trouble et en s’apprêtant à partir ; « tu es un vieux soldat, Dryfesdale ; prends toutes les précautions convenables… Juste ciel ! faut-il que j’aie été insultée aussi ouvertement !

— Serait-il dans votre bon plaisir, » dit Dryfesdale en hésitant, « que cette personne, cette dame, fût plus sévèrement traitée ?