— Vous avez tenté un crime horrible, l’empoisonnement d’une personne confiée à mes soins.
— Confiée à vos soins ! Hem ! je ne sais pas ce que Votre Seigneurie en pense : mais le monde, dehors, pense qu’elle vous est confiée pour cela ; et il eût été bien heureux pour vous que tout se fût passé ainsi que je me le proposais : vous n’en seriez aujourd’hui que plus tranquille.
— Misérable ! aussi imbécile que scélérat, tu médites un crime et ne sais pas l’accomplir !
— Je l’ai voulu aussi franchement qu’un homme peut vouloir ; j’ai été trouver une femme sorcière et papiste ; si je n’ai pas trouvé de poison, c’est qu’il en était ordonné autrement. J’ai essayé pour tout de bon ; mais la demi-besogne peut s’achever, pour peu que vous le désiriez, milady.
— Infâme ! je vais envoyer un exprès à mon fils pour prendre ses ordres à ton égard. Prépare-toi à mourir, si tu le peux.
— L’homme qui envisage la mort, milady, comme une chose à laquelle il ne peut échapper, une chose qui a son heure fixe et certaine, celui-là est toujours préparé à mourir. Celui qu’on pend au mois de mai ne mangera pas de flan à la Saint-Jean. Voilà la complainte qu’on pourra chanter bientôt sur le vieux serviteur. Mais qui, s’il vous plaît, chargerez-vous de cette belle commission ?
— Il ne manquera pas de messagers.
— Si fait ! certes, il en manquera : votre château est pauvrement fourni pour le nombre de gardes qu’il vous faut. Il y a l’homme du guet et deux autres que vous avez renvoyés pour avoir secondé messire George ; alors pour la tour du Guet, la prison, le cachot, il faut cinq hommes par chaque garde ; et les autres, en grande partie, sont obligés de se coucher tout habillés. Envoyer un seul homme au-dehors ce serait harasser les sentinelles, fatale prodigalité dans un château fort. Prendre de nouveaux soldats serait dangereux, attendu qu’un pareil service exige des hommes d’une fidélité à l’épreuve. Je ne vois qu’un moyen : ce sera moi qui ferai votre commission près de sir William Douglas.
— Cela serait effectivement une ressource ; et quel jour d’ici à vingt ans seras-tu de retour ?
— Cela dépend de la vitesse du cheval ; car, bien que je tienne peu à mes derniers jours, cependant je serais bien aise de savoir le plus tôt possible si mon cou m’appartient, ou au bourreau.
— Tiens-tu donc si peu à ta vie ?