Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/41

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tir cette distinction ; mais les villageois persistaient à croire qu’il devait lui être agréable de recevoir leur hommage particulier et sans partage ; et le principal moyen par lequel ils lui donnaient des preuves de leurs sentiments était le respect qu’ils témoignaient au jeune Roland Græme, le favori de la descendante de leurs anciens seigneurs. C’était une sorte de flatterie trop détournée pour craindre une réprimande ou une censure, et l’occasion qu’elle fournit au jeune homme de se former pour ainsi dire une faction à lui dans les limites de l’ancienne baronnie d’Avenel n’ajouta pas peu à l’audace et au ton décidé d’un caractère naturellement hardi, impétueux et ennemi de toute contrainte.

Des deux habitants de la maison qui avaient manifesté de bonne heure quelque jalousie contre Roland Græme, Wolf oublia aisément ses préventions ; d’ailleurs, avec le temps, le brave chien alla dormir près de Bran, le Luath et les autres limiers héroïques des anciens temps. Mais sir Warden, le chapelain, vivait encore, et conservait son aversion pour le jeune homme. Cet homme, tout bon, tout simple et tout bienveillant qu’il était, se faisait une idée un peu trop haute du respect qui lui était dû comme ministre de l’Évangile : il exigeait des habitants du château plus de déférence que le jeune page, hautain pétulant et fier de la faveur de sa maîtresse, ne se sentait disposé à lui en accorder. Son air hardi et indépendant, son amour pour la parure, son peu d’aptitude à recevoir les instructions, et son endurcissement contre les reproches, étaient des circonstances qui portaient le bon vieillard, avec plus de précipitation que de charité, à désigner le page impertinent comme un vase rempli de la colère céleste, et à montrer en lui l’esprit de hauteur et d’orgueil, avant-coureur prophétique de la ruine et de la destruction. La plupart des serviteurs et des personnes attachées à sir Glendinning partageaient la même opinion charitable ; mais tant que Roland jouirait de la faveur de leur maîtresse, et qu’il serait souffert par leur maître, ils ne voyaient pas qu’il fût prudent de manifester publiquement leur pensée.

Roland Græme sentait suffisamment la position désagréable dans laquelle il se trouvait ; mais par ses manières hautaines il se dédommageait de l’air réservé, froid et sarcastique avec lequel les autres domestiques le traitaient ; il prenait un ton de supériorité qui forçait les plus obstinés à lui obéir ; et s’il en était souverainement haï, il avait du moins la satisfaction d’en être craint.