Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/43

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« Holà hé ! monsieur le coquin, s’écria Roland, est-ce ainsi que vous nourrissez le jeune faucon avec de la viande non lavée, comme si vous gorgiez le sale brancher[1] d’une mauvaise corneille ! de par la messe ! Et tu as négligé sa cure depuis deux jours. Crois-tu que j’aie hasardé ma vie en allant chercher cet oiseau sur le craig, pour le voir gâter par ta négligence ? » Et pour donner plus de force à ses remontrances, il appliqua un ou deux coups de poing au nonchalant garçon, qui se mettant à crier peut-être plus fort que le cas ne l’exigeait, fit accourir le maître fauconnier à son secours.

Adam Woodcock, le fauconnier d’Avenel, était Anglais de naissance, mais il avait été si long-temps au service de Glendinning que son attachement pour son pays s’était changé en affection pour son maître. C’était un favori dans son emploi, jaloux et entiché de son savoir, comme le sont ordinairement les hommes d’art : quant au reste de son caractère, il était bouffon et un peu poète, qualités qui ne diminuaient nullement la bonne opinion qu’il avait naturellement de lui-même ; bon vivant, qui préférait un flacon d’ale à un long sermon ; homme robuste et prêt à faire le coup de poing ; fidèle à son maître, et comptant un peu sur son crédit auprès de lui.

Adam Woodcock, tel que nous l’avons dépeint, ne fut nullement satisfait de la liberté que le jeune Græme avait prise à l’égard de son fils. « Holà ! holà ! monsieur le page, dit-il en se mettant entre le battu et Roland ; « tout beau, n’en déplaise à votre jaquette dorée ! pas de jeux de mains, je vous prie ; si mon fils a commis quelque faute, je saurai bien le punir moi-même, et alors vous n’endurcirez pas vos mains délicates.

— Je vous battrai, lui et toi, » répondit Roland sans hésiter, « si vous ne faites pas plus d’attention à votre besogne. Voyez comme à vous deux vous avez perdu totalement cet oiseau. J’ai trouvé cet insouciant lourdaud qui lui faisait manger de la viande non lavée, et c’est un fauconneau !

— Allons, s’écria Woodcock, tu n’es qu’un fauconneau toi-même, mon petit Roland ; est-ce que tu entends quelque chose à la manière de nourrir les faucons ? Je te dis que l’oiseau doit avoir sa viande non lavée jusqu’à ce qu’il devienne un brancher[2]. Ce serait un excellent moyen de lui donner le mal de bec que de

  1. Terme de fauconnerie : le petit.
  2. Terme de fauconnerie : jusqu’à ce qu’il perche.