Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/50

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n’avoir pas pris assez de soin de le garantir des dangers de sa condition, et de dompter et humilier un esprit naturellement hautain, impérieux et violent. Vous avez amené dans vos bosquets un lionceau ; charmée de la beauté de sa crinière et de la grâce de ses mouvements, vous ne lui avez point mis les chaînes qui convenaient à la férocité de son caractère. Vous l’avez laissé croître, aussi indompté que s’il n’avait pas cessé d’habiter les forêts, et maintenant vous êtes surprise, et vous appelez du secours, lorsqu’il commence à menacer, à mordre, à mettre en pièces, suivant la nature de son instinct.

— Monsieur Warden, » répliqua lady Avenel vivement offensée, « vous êtes l’ancien ami de mon mari, et je crois à la sincérité de votre affection pour lui et pour sa famille. Permettez-moi cependant de vous dire que, lorsque je vous ai demandé vos conseils, je ne m’attendais pas à ces cruelles réprimandes de votre part. Si j’ai eu tort d’aimer ce pauvre orphelin plus que d’autres enfants de la même classe, j’ai peine à croire que l’erreur ait mérité une censure aussi sévère, et si une discipline plus stricte était nécessaire pour dompter ce caractère impétueux, on doit considérer, ce me semble, que je suis une femme, et en supposant que j’aie erré dans cette circonstance, il est du devoir d’un ami de venir à mon secours au lieu de me faire des reproches. Je voudrais que tout fût remis en harmonie avant le retour de mon mari. Il n’aime pas à voir la discorde et la mésintelligence dans la maison, et je serais fâchée qu’il crût que le désordre a été occasionné par une personne que je protège. Que me conseillez-vous de faire ?

— Renvoyez ce jeune homme de votre service, madame, répondit le prédicateur.

— Vous ne sauriez me conseiller une pareille action ; vous ne sauriez comme chrétien, et comme ayant des principes d’humanité, me conseiller de renvoyer un jeune homme sans protection, auquel ma faveur, faveur peu judicieuse, si vous le voulez, a suscité tant d’ennemis.

— Il n’est pas nécessaire de l’abandonner tout à fait, madame, quoique vous le renvoyiez de votre service pour en chercher un autre, ou pour embrasser un état plus convenable à sa condition et à son caractère. Autre part, il peut devenir un membre utile de la société ; ici, il n’est qu’un brouillon et une pierre d’achoppement pour tout le monde. Ce jeune homme a des éclairs de bon