Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/52

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tablir la bonne harmonie dans le château d’Avenel avait pour texte ce passage bien connu : Celui qui frappe du glaive périra par le glaive[1]. C’était un singulier mélange de bon sens et d’éloquence, de pédanterie et de mauvais goût. L’orateur, s’étendit fort au long sur le mot frappe, démontrant à ces auditeurs que ce mot s’appliquait aux coups portés avec la pointe aussi bien qu’avec le tranchant, et plus généralement à l’aide d’un javelot, d’une flèche, d’un mousquet, et enfin de toute arme propre à donner la mort. Il prouva d’une manière également satisfaisante que le mot glaive comprenait les glaives de toute espèce, épée, espadon, sabre, rapière, coutelas ou cimeterre. « Mais, » continua-t-il d’un ton plus animé, « si le texte sacré comprend dans son anathème tous ceux qui frappent avec l’un ou l’autre de ces instruments que l’homme a inventés pour exercer des actes d’hostilité ouverte, à plus forte raison s’applique-t-il à ces armes funestes qui, d’après leur forme et leur volume, semblent imaginées plutôt pour satisfaire traîtreusement une animosité particulière, que pour détruire un ennemi préparé et armé pour sa défense. Tels, » continua-t-il en jetant un regard sévère vers le lieu où le page était assis sur un coussin aux pieds de sa maîtresse, portant à son ceinturon cramoisi un élégant poignard à manche doré, « tels je considère plus spécialement ces intruments de mort qui, dans la bizarrerie de nos mœurs modernes, sont portés non seulement par des voleurs et des coupe-jarrets, à qui ils conviennent naturellement, mais même par de jeunes hommes destinés au service des femmes, et qui attendent dans les antichambres les ordres de leurs honorables maîtresses. Oui, mes amis, ces armes fatales, fabriquées pour accomplir tous les maux et pour n’opérer aucun bien, sont comprises dans l’épouvantable malédiction portée contre le glaive ; que ce soit un stylet emprunté aux perfides Italiens, une dague des sauvages habitants des montagnes, un coutelas tel qu’en portent nos brigands et assassins des frontières, ou enfin le petit poignard de nos efféminés : tous ces funestes engins ont été inventés par le diable lui-même, comme des instruments toujours prêts de vengeance, prompts à frapper et dont il est difficile de parer les coups. Le spadassin vulgaire portant l’épée et le bouclier rougirait lui-même de faire usage d’une arme aussi perfide. Elle est propre enfin, non à des hommes ou à des sol-

  1. Paroles que Jésus-Christ adressa à Saint-Pierre quand celui-ci eut coupé une oreille à Maltus. Évangile selon saint Matthieu, c. xxvi, v. 52. a. m.