Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/59

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— Pour moi ! s’écria lady Avenel ; et qu’est-ce que j’ai pu vous obliger à endurer ? quel traitement avez-vous éprouvé ici, que vous deviez vous rappeler avec des sentiments autres que ceux de la reconnaissance ?

— Vous êtes trop juste, madame, répondit Roland, pour exiger que je sois reconnaissant du froid dédain avec lequel votre mari m’a continuellement traité, dédain qui n’est pas sans un mélange d’aversion masquée. Vous êtes trop juste encore pour prétendre que je sois reconnaissant des marques constantes et non interrompues de mépris et de malveillance avec lesquelles j’ai été traité par d’autres, ou d’une homélie pareille à celle dont votre révérend chapelain a, aujourd’hui même, régalé à mes dépens toute la famille assemblée.

— Jamais oreilles mortelles ont-elles entendu pareille chose ? » s’écria la suivante, les bras étendus et les yeux tournés vers le ciel. « Il parle comme s’il était le fils d’un comte ou d’un chevalier tout au moins. »

Le page lança sur elle un regard empreint du plus souverain mépris, mais ne daigna pas lui faire d’autre réponse. La dame, qui commençait à se sentir sérieusement offensée, et qui cependant voyait avec peine la folie du jeune homme, reprit la parole sur le même ton.

« En vérité, Roland, vous vous oubliez d’une manière si étrange, dit-elle, que vous me forcerez à prendre des mesures sérieuses pour vous rabaisser dans votre propre opinion, en vous réduisant au rang qui vous convient dans la société.

— Et le meilleur moyen pour cela, ajouta Lilias, serait de le renvoyer en véritable fils de mendiante, comme il était lorsque milady l’a pris dans sa maison.

— Lilias parle trop rudement, continua la dame ; mais elle a dit la vérité, jeune homme, et je ne crois pas que je doive ménager cet orgueil qui vous a si complètement tourné la tête. Vous avez été paré de riches vêtements ; vous avez été traité comme le fils d’un gentilhomme, et vous en êtes venu au point d’oublier la source vulgaire de votre sang.

— Je vous demande pardon, ma très-honorée dame, répliqua Roland ; Lilias n’a pas dit la vérité, et vous-même, milady, ne connaissez rien de ma famille qui puisse vous autoriser à la traiter avec un mépris aussi décidé. Je ne suis pas le fils d’une mendiante ; ma grand’mère n’a jamais demandé l’aumône à qui que