Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 14, 1838.djvu/61

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craigne que vos idées de grandeur imaginaire ne vous entraînent bien vite dans des voies de rapine et de violence. Retirez-vous, monsieur, et ne vous présentez jamais devant moi. »

Le page se jeta à ses pieds dans les angoisses de la douleur.

« Ma chère et honorée maîtresse ! » dit-il sans pouvoir prononcer une autre syllabe.

« Levez-vous, monsieur, s’écria la dame, et lâchez ma mante ; l’hypocrisie est un voile qui couvre mal l’ingratitude.

— Je suis incapable de l’une et de l’autre, madame, » dit le page en se relevant avec cette mobilité de sentiments qui distinguait son caractère prompt et impétueux ; « et ne croyez pas que j’aie l’intention de solliciter la permission de rester au château. J’avais depuis long-temps pris la détermination de quitter Avenel, et je ne me pardonnerai jamais de vous avoir laissé prononcer le mot sortez avant d’avoir dit : Je vous quitte. Je n’ai plié le genou que pour implorer votre pardon d’une parole inconsidérée qui m’est échappée dans l’excès de mon mécontentement, mais dont il me convenait mal de me servir en m’adressant à vous. Je ne vous demande pas d’autre grâce : vous avez fait beaucoup pour moi ; mais je vous le répète, vous connaissez bien ce que vous avez fait, et fort peu ce que j’ai souffert.

— Roland, » reprit la dame un peu apaisée, et s’attendrissant sur l’avenir de son favori, « vous pouviez avoir recours à moi lorsque vous receviez quelque insulte. Vous n’étiez pas obligé de supporter des injures, non plus qu’autorisé à vous en venger tandis que vous étiez sous ma protection.

— Mais, répliqua le jeune homme, si j’étais insulté par ceux : que vous aimiez et que vous favorisiez, était-ce à moi de troubler votre tranquillité par des rapports insignifiants et des plaintes éternelles ? Non, madame, j’ai supporté mon fardeau sans vous fatiguer de mes murmures, et le respect dont vous m’accusez d’avoir manqué est la seule raison pour laquelle je ne me suis pas vengé de mes propres mains. Il est bon, au reste, que nous nous séparions. Je n’étais pas né pour être un mercenaire favorisé par sa maîtresse jusqu’à ce qu’il fût ruiné par les calomnies des autres. Puisse le ciel accumuler ses bénédictions les plus précieuses sur votre tête adorée, et, pour l’amour de vous, sur tout ce qui vous est cher ! »

Il allait quitter l’appartement lorsque lady Avenel le rappela. Il s’arrêta tandis qu’elle lui dit : « Je n’avais pas l’intention et il