Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/112

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Place, et de tâcher d’avoir avec elle une conversation plus détaillée que celle d’aujourd’hui. Il faudra qu’elle soit bien changée pour que mes paroles ne fassent pas impression sur elle.

— Avec votre permission, monsieur Tressilian, vous ne ferez pas une pareille démarche. La dame, si je ne me trompe, a déjà repoussé votre intervention dans cette affaire.

— Il n’est que trop vrai ; je ne puis le nier.

— De quel droit alors, dans quel intérêt voulez-vous contrarier son inclination, quelque honteuse qu’elle soit pour elle et pour ses parents ? Si mon jugement ne me trompe, ceux sous la protection desquels elle s’est placée, n’hésiteraient pas à repousser votre intervention, fussiez-vous même son père ou son frère ; mais en votre qualité d’amant dédaigné, vous vous exposez à vous faire maltraiter. Vous ne pouvez réclamer l’aide ou l’appui d’aucun magistrat (excusez ma franchise) ; vous poursuivez une ombre dans l’eau, et vous risquez de vous noyer en cherchant à la saisir.

— Je me plaindrai au comte de Leicester de l’infâme conduite de son favori… Il cherche à plaire à la secte rigide des puritains… Il n’osera, pour l’honneur de sa réputation, repousser ma plainte, quand même il serait dépourvu de tous les sentiments nobles et élevés que la renommée lui prête. Au pis aller, j’en appellerai à la reine elle-même.

— Si Leicester se montrait disposé à protéger son favori, car on dit que Varney jouit de toute sa confiance, l’appel à la reine pourrait les mettre tous deux à la raison. Sa Majesté est sévère sur ce chapitre, et je ne crois pas qu’il y ait trahison de ma part à parler ainsi, on dit qu’elle pardonnerait plutôt à une douzaine de courtisans de tomber amoureux d’elle, qu’à un seul de lui préférer une autre femme. Courage donc, mon digne hôte ; car si vous déposiez au pied du trône une pétition de sir Hugh Robsart, renfermant l’exposé de vos griefs, le comte, malgré sa haute faveur, se jetterait plutôt dans la Tamise que d’essayer de protéger Varney dans une affaire de cette nature. Mais pour espérer quelque chance de succès, il faut procéder avec méthode ; et sans vous arrêter ici à ferrailler avec l’écuyer du conseiller privé, et vous exposer aux poignards de ses affidés, courez dans le Devonshire, faites rédiger une pétition que vous ferez signer à sir Hugh Robsart, et faites-vous le plus d’amis que vous pourrez, pour qu’ils soutiennent vos intérêts à la cour.

— À merveille, mon hôte ; je profiterai de votre avis, et je vous quitterai demain matin de bonne heure.