Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/127

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CHAPITRE X.

LE MARÉCHAL-FERRANT.


En entrant ils trouvèrent le bonhomme lui-même tout occupé de son ouvrage : c’était une espèce de lutin aux yeux enfoncés, aux joues creuses, comme s’il fût resté long-temps en prison.
Spencer. La Reine des fées.


« Sommes-nous encore loin de la demeure du maréchal, mon gentil garçon ? » dit Tressilian à son jeune guide.

« Comment m’appelez-vous ? » lui demanda l’enfant, en fixant sur lui ses yeux gris et perçants.

« Je vous appelle mon gentil garçon ; cela vous offense-t-il, mon enfant ?

— Non ; mais si vous étiez avec ma grand’mère et Domine Holyday, vous pourriez chanter en chœur la vieille chanson :

« Nous sommes trois fous. »

— Et pourquoi cela, mon petit homme ?

— Parce que, répondit l’enfant, il n’y a que vous trois qui m’ayez jamais appelé gentil garçon. Ma grand’mère m’appelle ainsi parce que l’âge qui a affaibli sa vue, ou plutôt sa tendresse maternelle, la rend aveugle ;… mon maître, le pauvre Domine, pour faire sa cour et pour avoir la plus grande assiettée de furmity et la meilleure place près du feu. Quant à vous, pourquoi m’appelez-vous joli garçon ? c’est ce que vous savez mieux que moi.

— Tu es du moins un malin espiègle si tu n’es pas gentil. Mais comment t’appellent tes camarades ?

— Lutin, » répondit l’enfant avec vivacité ; « mais, après tout, j’aime mieux avoir ma laide figure que leurs jolies têtes qui n’ont pas plus de cervelle qu’une brique.

— Vous n’avez donc pas peur de ce maréchal que nous allons voir ?

— Moi, en avoir peur ! ce serait le diable, comme le croient les bonnes gens, que je n’en aurais pas peur ; mais quoiqu’il y ait quelque chose d’étrange en lui, il n’est pas plus diable que vous, et c’est ce que je ne voudrais pas dire à tout le monde.