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KENILWORTH.


CHAPITRE PREMIER.

MISE EN SCÈNE D’INTERLOCUTEURS.


Je suis aubergiste, et je connais mon terrain ; je l’étudie, oui, je l’étudie. Il me faut de joyeux hôtes, et, pour conduire mes charrues, de joyeux garçons qui en chantant recueillent mes moissons, sinon je n’entendrais pas le bruit des fléaux.
Ben Johnson. La nouvelle Auberge.


C’est un privilége des romanciers de faire commencer leur histoire dans une auberge, libre rendez-vous de tous les voyageurs, où l’humeur de chacun se déploie sans cérémonie et sans contrainte. Ce début est surtout de mise quand l’action se passe aux vieux jours de la joyeuse Angleterre, époque où les voyageurs étaient, en quelque sorte, non seulement les locataires, mais encore les commensaux et les compagnons temporaires de mon hôte[1], personnage d’ordinaire d’une franchise peu commune, d’un accueil aimable, et d’une humeur joviale. Sous ses auspices, les caractères des membres de la compagnie étaient promptement mis en contraste, et rarement il manquait d’arriver qu’après avoir vidé un pot à six cercles ils missent la réserve de côté, et se montrassent les uns aux autres, ainsi qu’au maître de la maison, avec l’abandon d’anciennes connaissances.

Dans la dix-huitième année du règne d’Élisabeth, le village de Cumnor, à trois ou quatre milles d’Oxford, se glorifiait de posséder une excellente auberge dans le vieux style, tenue, ou plutôt gouvernée par Giles Gosling, homme de bonne mine, au ventre légèrement arrondi, âgé de cinquante et quelques années, modéré dans ses écots, exact dans ses paiements, et en outre, possesseur d’une cave bien approvisionnée, d’un esprit vif et d’une jolie fille. Depuis le temps du vieux Henri Baillie, propriétaire de la Cotte-

  1. Ce mot naturellement veut dire ici maître d’auberge,. On sait, du reste, que l’expression s’applique tant à ceux qui logent qu’à ceux qui sont logés. a. m.