Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/164

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L’empressement des voyageurs fit qu’ils ne s’arrêtèrent en route que le temps nécessaire pour faire rafraîchir leurs chevaux ; et, comme la plupart des endroits qu’ils traversaient étaient sous l’influence du comte de Leicester, ou de personnes qui dépendaient immédiatement de lui, ils jugèrent prudent de cacher leurs noms et le but de leur voyage. Dans ces circonstances, l’intervention de Wayland Smith (nom sous lequel nous continuerons à désigner l’artiste, quoique son véritable nom fût Lancelot Wayland) fut extrêmement utile. Il Semblait véritablement prendre plaisir à déployer son habileté à se jouer de toutes les investigations, et s’amuser à dérouter la curiosité des garçons d’auberge et des aubergistes eux-mêmes par les contes les plus ridicules. Dans le cours de leur petit voyage, trois bruits différents et contradictoires furent répandus par lui sur le compte de son maître. La première fois, il dit que Tressilian était le lord-deputy[1] d’Irlande, venu sous un déguisement pour prendre les ordres de la reine, au sujet du fameux rebelle Dory-Oge Mac-Carthy Mac-Mahon ; la seconde, que c’était un envoyé de Monsieur qui venait demander pour lui la main d’Élisabeth ; la troisième, que c’était le duc de Médina, arrivé incognito pour arranger le différend qui existait entre Philippe II et la reine.

Tressilian, mécontent de ces mensonges, exposa, en se fâchant, à l’artiste, les divers inconvénients qui pouvaient en résulter, et dont le moindre était d’appeler l’attention sur eux, sans nécessité ; mais il fut apaisé (car le moyen de résister à un pareil argument ?) par l’assurance que lui donna Wayland, que tout le monde le prenait pour un personnage d’importance, et qu’à cause de cela il était nécessaire d’expliquer par un motif extraordinaire la rapidité de son voyage et le mystère qui l’entourait.

À mesure qu’ils approchaient de la capitale, l’affluence des étrangers devenant plus grande, leur présence ne provoqua plus ni curiosité ni questions, et enfin ils entrèrent dans Londres.

Tressilian se proposait de se rendre directement à Deptford, où lord Sussex faisait sa résidence, afin d’être près de la cour, qui se tenait alors à Greenwich, séjour favori d’Élisabeth, et qu’elle honorait comme le lieu de sa naissance. Cependant une courte halte à Londres était nécessaire, et elle fut un peu prolongée par les vives instances de Wayland, qui demanda la permission d’aller faire un tour dans la Cité.

  1. Vice-roi d’Irlande. a. m.