Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 15, 1838.djvu/176

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— Soyez témoins, » continua-t-il quand ces deux fonctionnaires furent arrivés, « soyez témoins, messieurs, que notre honorable ami Tressilian n’est en aucune manière responsable des effets que ce remède peut produire sur moi ; je le prends de mon propre mouvement et de ma libre volonté, dans la persuasion que c’est un remède que Dieu m’a envoyé par une voie inattendue, pour me guérir de ma maladie actuelle. Recommandez-moi au souvenir de ma noble et royale maîtresse ; dites-lui que j’ai vécu et que je meurs son loyal serviteur ; que je souhaite à tous ceux qui entourent son trône la même pureté de cœur et le même zèle à la servir, avec plus de talent qu’il n’en a été donné au pauvre Thomas Ratcliffe. »

Alors il joignit les mains et sembla, une seconde ou deux, absorbé dans une prière mentale ; puis il prit la potion, et s’arrêtant un moment, fixa sur Wayland un regard qui semblait vouloir pénétrer jusqu’au fond de son âme, mais qui ne causa ni trouble ni embarras dans l’air et la contenance de l’artiste.

« Il n’y a rien à craindre, « dit Sussex à Tressilian ; et il avala la potion sans la moindre hésitation.

« Je prie maintenant Votre Seigneurie, dit Wayland, de vous arranger le plus commodément que vous pourrez pour dormir ; et vous, messieurs, de rester muets et immobiles comme si vous étiez près du lit de mort de votre mère. »

Le chambellan et le secrétaire se retirèrent en donnant des ordres pour que toutes les portes fussent fermées, et que toute espèce de bruit fût sévèrement interdit dans la maison. Plusieurs gentilshommes se mirent d’eux-mêmes en sentinelle dans l’antichambre ; mais personne ne resta dans la chambre du malade que son valet-de-chambre, Stanley, l’artiste et Tressilian. La prédiction de Wayland Smith ne tarda pas à s’accomplir. Le comte tomba dans un sommeil si profond, que ceux qui gardaient son chevet commencèrent à craindre que dans cet état d’anéantissement il ne passât sans s’éveiller de sa léthargie. Wayland Smith lui-même paraissait inquiet, et de temps en temps il touchait légèrement les tempes du comte, observant surtout l’état de sa respiration qui était pleine et profonde, mais en même temps facile et non interrompue.